Introduction

 

Plan du chapitre

L'hindouisme Le dharma Le karma Les approches Les Dieux Les Déesses
  Autres Divinités L'Ishta Devata Les temples et les cultes Symbolisme des Dieux Que sont les Dieux ?
  Les pèlerinages Les rituels de la vie (samskara) Les périodes de la vie (ashrama) La vie spirituelle
L'homme dans la société La femme dans la société Le système des castes
La vache en Inde Evolution des relations entre les Européens et l'Hindouisme

 

Une partie des textes présentés ici se retrouve sur un des autres sites du même auteur, en l'occurence le Site des Voyages en Inde. Il est, en tout cas, vivement conseillé de lire la totalité de cette introduction avant de se lancer dans la visite de ce site des Dieux et Déesses de l'hindouisme, manière de "se mettre dans le bain".

Quelques notions sur l'Hindouisme

L'Hindouisme concerne 79.9% de la population de l'inde. Les 20% restants se partagent entre les Musulmans (14.2%), les Chrétiens (2.3%), les Sikhs (1.7%), les Bouddhistes, les Jains et les autres religions. Ces chiffres se rapportent au recensement de 2011. On peut penser que la distribution actuelle n'est pas très différente.

Le dharma

Le mot Hindouisme n'est pas d'origine indienne mais, forgé par les européens, il dérive du terme Sindhu, c'est à dire la partie ouest de la péninsule indienne. L'Hindouisme est désigné en Inde comme Sanathama Dharma, la Loi Eternelle et Naturelle, l'ordre naturel du monde. La notion de divinité n'est pas forcément incluse dans cette définition.

La place et le rôle de l'homme dans le monde sont censés devoir se conformer à cet ordre naturel. Ainsi, chacun doit-il suivre son dharma propre (swadharma). S'écarter de cette ligne de conduite amène au désordre et au chaos social.

Le karma

Un autre concept gouverne la vie de tous les Hindous : c'est le karma action. Ce terme dérive de la racine sanscrite kr qui signifie action. Dans le monde manifesté où nous vivons, toute action (cause) engendre une conséquence (effet). C'est une loi mécanique, sans notion de bien ou de mal. Mais au niveau humain, il est clair qu'une bonne action, c'est à dire conforme au dharma, engendre un "bon" karma. Dans des temps très anciens, on n'est pas sûr que les hommes croyaient en la réincarnation mais il est certain que la pluralité des vies s'accorde parfaitement avec la justice distributive du karma. Chacun est comptable de ses actes. Seule sa responsabilité est en cause. Par exemple, une maladie incurable n'est pas le fait du hasard, de la malchance ou d'une responsabilité externe, mais la conséquence d'un karma passé. Bien entendu, cela ne signifie pas que l'on ne doit pas lutter contre cette maladie. L'Hindouisme n'est pas fataliste mais ne trouve pas de justification humanitaire dans l'acharnement thérapeutique.

Les approches principales de l'hindouisme

Les trois grandes religions monothéistes que sont le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam ont toutes ont pris naissance au Moyen-Orient dans la même aire culturelle. Chacune d'elles pense posséder la Vérité : Dieu est Un et Il a créé l'homme. Deux d'entre elles, intolérantes et prosélytes (mais intolérance et prosélytisme ne sont-ils pas les deux faces d'une même pièce de monnaie ?), ont essaimé dans le monde entier par la violence. La troisième s'est repliée sur elle-même, confinée au groupe ethnique où elle a vu le jour.

Le sous-continent indien a, pour sa part, développé depuis au moins quatre millénaires un ensemble de croyances autochtones qui se suffisent à elles-mêmes et ne cherchent nullement à convertir les autres peuples. Les invasions musulmanes dès le début du premier millénaire puis chrétiennes à partir de la fin du 15ème siècle, ont tenté par la persuasion et la guerre d'extirper l'Hindouisme de l'Inde. Ce processus de déculturation s'est poursuivi pendant près d'un millénaire avec un succès mitigé. Les Hindous sont encore 82% en Inde, ce qui atteste de l'extrême solidité de leur système culturel et religieux.

A y regarder superficiellement, l'Hindouisme apparaît comme un ensemble de croyances accumulées de bric et de broc au fil des siècles. Cette apparence d'imbroglio et parfois de contradictions fait typiquement partie du génie indien qui englobe mais n'exclut pas. Pour un Hindou, les voies d'accès au divin sont multiples et toutes sont acceptables. On ne peut pas trouver position plus tolérante et moins dogmatique.

La question centrale n'est pas l'existence ou l'inexistence de Dieu. La longue histoire de cette religion, mais n'est-ce qu'une religion ?, a vu se développer des approches différentes du fait religieux.

Le Samkhya

Le Sâmkhya l'une des philosophies de l'Hindouisme indique que tout l'Univers Manifesté procède des interactions entre Purusha Conscience Divine (Conscience Suprême) et Prakriti base de la Matière avant qu'elle ne se manifeste (Matière). Dieu n'a pas sa place dans cette approche dualiste. Purusha est l'Esprit, le Principe Suprême Conscient, non-Né. Etant immobile et inactif, brillant de Sa propre Lumière, il Est, hors du temps. Prakriti n'est pas la Nature au sens où l'entendons communément, mais la Matière Primordiale, antérieure à la Manifestation. Elle contient Tout ce qui est latent, mais non encore exprimé. C'est la base de la Manifestation. Purusha et Prakriti sont donc deux entités irréductibles et le Samkhya ne ne se pose pas la question du Pourquoi de cette dualité. Le Samkhya décrit la Genèse de l'Univers Manifesté à partir de l'interaction entre Purusha et Prakriti sous l'action d'agents de différentiation qualifiante que l'on nomme les Guna modalité d'Etre. Ils sont au nombre de trois et ne sont perçus que par leurs qualités. Le déploiement de la Manifestation se poursuit ensuite par différentes étapes que décrit le Samkhya mais leur énumération sortirait du cadre limité de cet aperçu sur l'Hindouisme.

Le Vedanta

L'Advaita Vedanta Littéralement Un sans second, la forme la plus abstraite et la plus subtile de la pensée hindoue, toute la Manifestation procède d'une Entité non-née, non-créée, sans qualités, éternelle, à la fois transcendante et immanente, désignée par le terme Brahman Principe Supreme du vedanta (à ne pas confondre avec Brahmane caste des prêtres, la première des quatre castes. Brahman n'est pas Dieu au sens où nous l'entendons communément en Occident. Ou bien, si l'on veut l'appeler Dieu, c'est un Dieu impersonnel, totalement inatteignable au commun des mortels qui ne peut même pas l'imaginer.

Le Yoga

Dans le Yoga, on voit apparaître la notion d'un Dieu, Ishvara Seigneur, terme qui signifie Seigneur. Mais les différentes branches du Yoga accordent à cette notion un contenu varié. Là encore, nous sortirions du cadre de ce chapitre en donnant trop de détails.

Le but du Yoga est énoncé de façon concise par Patañjali, dont les Yoga Sutra (Aphorismes du Yoga) furent écrits au début de notre ère, comme suit :

"Yoga Chitta Vritti Nirodha" qui signifie "Le Yoga est la cessation de l'activité du mental". C'est l'agitation du mental sous l'effet permanent des désirs et des craintes, des projections et des sensations, qui empêche l'homme d'accéder à sa nature réelle. Tel qu'il est exposé, le but du Yoga semble simple à atteindre. Il n'en est rien et une seule vie n'y suffit pas. La mise en œuvre d'un ensemble de techniques sous la conduite d'un maître spirituel qualifié (guru) est requise.

Le Yoga se subdivise en un grand nombre de branches qui se complètent : Raja Yoga, Hatha Yoga, Kriya Yoga, Jñana Yoga, Karma Yoga, Bhakti Yoga, etc.

Le Bhakti Yoga, ou voie de la dévotion demande l'abandon à la volonté divine. Par la prise de conscience de la présence divine en toutes choses, le Bhakti Yoga élargit le champ de conscience du pratiquant jusquà sa Fusion finale dans la Conscience Divine.

Le Karma Yoga, ou voie de l'action, développe l'action désintéressée. Toutes les actions doivent être accomplies sans en attendre de résultat, et encore moins de valorisation personnelle.

Le Jñana Yoga est la voie de la connaissance. Elle requiert une extrême discipline psycho-mentale. Par l'étude des textes sacrés et une discrimination permanente, le pratiquant fait passer dans son propre être l'essence de la Sagesse.

Le Hatha Yoga, ou voie de l'effort, est la voie la plus connue en Occident où ce Yoga est surtout pratiqué pour ses effets bénéfiques sur le corps et l'équilibre psychique. Mais le Hatha Yoga, dans la perspective traditionnelle, est beaucoup plus exigeant.

Samkhya, Vedanta, Yoga, ainsi que trois autres voies moins connues, constituent les six méthodes par lesquelles l'homme peut se rapprocher du divin. Aucune de ces voies n'est exclusive. Ce sont les six darshana (darshana = points de vue) qui permettent à l'homme de se libérer de son conditionnement ordinaire.

Telles que très sommairement décrites ci-dessus, les voies de l'Hindouisme peuvent apparaître terriblement abstraites. Mais le Samkhya est avant tout une philosophie de la conception du Monde : il ne mène pas à des cultes. Le cas du Vedanta et, singulièrement, de l'Advaïta Vedanta, la branche la plus connue, magistralement synthétisée au 8ème siècle par Sri Shankaracharya, est plus ambigu. Admettant que ces concepts sont difficiles d'accès à la majorité des gens et qu'ainsi, il ne peut satisfaire leurs aspirations spirituelles, Sri Shankaracharya admit et recommanda même l'adoration des Dieux, alors même que l'Advaïta Vedanta postule leur Non-substantialité. En revanche, dans les voies plus expérimentales du Yoga, l'adoration des Dieux trouve aisément sa place et rejoint ainsi l'Hindouisme populaire.

Les Dieux

L'Hindouisme populaire est extrêmement profus. Il vénère et honore une multitude Dieux. Dans les temps anciens de la période Védique, il y a de cela 3000 à 4000 ans, l'homme adorait les divinités représentant les forces naturelles comme Indra, Roi des Dieux et Dieu de l'Orage, Varuna Dieu védique, Dieu des eaux profondes, Vâyu Dieu védique, Dieu du vent, Agni Dieu védique, Dieu du feu. Ce dernier symbolise la vie et nombre de stances du Veda lui sont adressées dans le cadre de rites sacrificiels.

La manière dont les rapports entre les hommes et les Dieux ont évolué est difficile à retracer. Dans les Upanishad Textes sacrés majeures, qui datent de quelques siècles avant notre ère, apparaît déjà le concept abstrait d'un Dieu Suprême, impersonnel, désigné sous le nom de Brahman. Mais le Dieu des Sages et des méditants n'est pas celui de l'homme ordinaire. Celui-ci a besoin de divinités plus proches auxquelles il peut adresser ses prières et présenter ses offrandes. La période médiévale, après l'an 1000, a ainsi vu se développer des cultes dévotionnels très intenses (Bhakti dévotions sans limite), adressés à Krishna Incarnation majeure de Vishnu et Râma Incarnation majure du Dieu Vishnu, deux des avatara Incarnation majeurs du Dieu Vishnu Dieu de la Conservation du Monde.

De nos jours, on a coutume de dire que l'Hindouisme comporte trois Dieux principaux

 Brahmâ Dieu de la Création du Monde, le Créateur (à ne pas confondre avec Brahman)
 Vishnu (prononcer Vishnou), le Conservateur dont des émanations (Avatar, pluriel Avatara) prennent naissance dans le monde humain lorsque le dharma est gravement menacé
 Shiva Dieu de la 
Destruction-Transformation, le Destructeur, qui procède aux transformations et aux changements nécessaires dans le monde.

L'ensemble de ces trois grands Dieux est désigné sous le nom de Trimûrti Dieu sous ses trois formes, ce qui signifie "à trois visages", "à trois formes"). Brahmâ est à l’origine de la naissance du monde. Pour diverses raisons, son culte s'est affaibli et on ne lui connaît que deux temples en Inde dont le plus réputé se trouve à Pushkar, au Rajasthan.

Vishnu est surtout connu à travers les multiples mythes qui content les exploits de ses avatâra. On dénombre neuf avatara majeurs, le 10ème restant à venir à la fin de notre cycle actuel, le Kali Yuga période de temps ou Age des conflits, marqué par la dégradation morale totale des hommes.

Vishnu est vénéré sous sa forme non-manifestée. Dans les temples, Il est représenté debout, dans une posture statique. Il porte une haute coiffe et, dans deux de ses mains, Il porte les emblèmes de la roue (chakra Roue, attribut de Vishnu) et de la conque (shanka conque). Lorsque ses parèdres l'accompagnent, Elles l'encadrent et portent les noms de Sri Devi et Bhu Devi. Mais, le plus souvent, Vishnu est vénéré sous la forme manifestée d'un de ses avatara majeurs : Matsya le Poisson, Kûrma la Tortue, Varâha le Sanglier, Narasimha l'Homme-Lion, Vâmana le Nain qui se transforma en Géant (Trivikrama), Parashurâma le Guerrier à la hache, Râma le Prince, Krishna le Bouvier, Buddha l'Eveillé et Kalkî, le 10ème avatar qui viendra à la fin de l'actuel Kali Yuga.

En réalité, seuls Râma et Krishna sont très largement vénérés par la population et Narasimha dans une moindre mesure.

L'épopée de Râma est contée dans le Râmâyana, celle de Krishna dans le Mahâbhârata action et maints autres textes. Les représentations de l'un et de l'autre sont innombrables, aussi bien dans les sculptures des temples que dans l'art pictural. La parèdre de Râma est Sîtâ, celle de Krishna est Râdhâ.

Shiva est le dieu vénéré par les Yogis car la discipline spirituelle suivie par ces chercheurs de Vérité vise leur transformation profonde. Les temples de Shiva sont multiples et l'on y adore le Lingam cylindre de pierre représentant Shiva , symbole phallique représentatif de la capacité créatrice du Dieu : en effet, c'est de la destruction que procède la création.

La visite des temples montre que les trois Dieux cités sont vénérés sous des formes différentes ayant chacune un nom particulier.

Chacun des avatara majeurs de Vishnu peut avoir son propre temple. Les formes de Shiva sont innombrables et les statues (mûrti), honorées sous leur forme propre, se rapportent chacune à une légende spécifique. Chaque Lingam de Shiva porte un nom particulier.

Les Déesses

Shiva ainsi que Vishnu représentent le pôle masculin de la divinité. Leur pôle féminin (parèdre ou Shakti Pôle féminin et créateur de la Divinité) est vénéré en tant que Déesse ou épouse du Dieu dans la religion populaire.

L'épouse de Shiva est Parvatî Epouse de Shiva sous sa forme bienveillante, également connue sous les noms de Annâpurnâ, Ûma, Gaurî, Bhûbaneshvarî, etc. La forme courroucé ou combattante de la Déesse est Durgâ Forme terrible de la Déesse dont l'une des représentations les plus connues est Mahîshâsuramardinî. La forme terrifiante de la déesse est Kâlî Forme terrible de la Déesse, à la langue rouge pendante, au collier de têtes de morts et dansant sur un cadavre. Cette même Kâlî terrible à laquelle on fait des sacrifices sanglants de poulets ou de chevreaux pour apaiser son courroux (temple de Kalighat à Calcutta) est honorée comme la Mère généreuse et universelle...

La parèdre du Dieu Vishnu est la déesse Lakshmî Déesse de la Prospérité qui symbolise la prospérité et les biens matériels. On en connaît huit formes principales.

La parèdre du Dieu Brahmâ est la Déesse Sarasvatî Déesse des 
Arts et de la Connaissance qui préside aux Arts et à la Connaissance.

Autres divinités

Hormis les trois grands Dieux et leurs épouses, l'Hindouisme voue des cultes à de nombreuses autres divinités au premier rang desquels on citera Ganesh Dieu à tête d'éléphant, le Dieu à tête d'éléphant, "fils" de Shiva et de Parvatî et son frère Kârtikeya Frère de Ganesh (Murugan ou Subrahmanyan dans le sud).

Parmi les divinités védiques très anciennes au nombre symbolique de 33, on accorde encore des cultes de nos jours à Agni le Feu Sacrificiel, et localement Sûrya Dieu Solaire, le Dieu solaire.

On n'oubliera pas de citer le culte des Neuf Planètes (Navagrahâ Planètes) très vivant dans le sud du pays, le culte d'Hanuman Général de l'armée des Singes, allié du Dieu Rama , valeureux général des singes qui vint en aide au Dieu Râma (avatar de Vishnu), ainsi qu'une multitude de déesses locales incorporées tardivement dans l'Hindouisme, comme Sitala, la déesse qui protège les enfants de la variole, Mariamman, Danteshvarî, chez les Bastar, assimilée à Durgâ, ...

L'Ishta Devata

Chaque Hindou, suivant ses affinités personnelles, est libre d'adorer la divinité de son choix, son Ishta Devata. Il lui rend un culte personnel (pûjâ) dans l'intimité de son foyer ou il va l'honorer dans les temples qui lui sont dédiés. Un adorateur de Shiva est un Shaiva (Shivaïte), un adorateur de Vishnu est un Vaishnava (Vishnuïte). Il existe ainsi des adorateurs de Krishna, de Râma, de Durgâ, de Kâlî, de Parvatî, de Ganesh, d'Hanuman, etc. Chacun se réclame d'une secte donnée qui regroupe de façon informelle tous les adorateurs du même Dieu. Le terme de secte ne comporte en Inde aucune connotation péjorative.

De plus, bien qu'un adorateur d'un Dieu considère tout naturellement son Ishta Devata comme le Dieu Suprême, supérieur à tous les autres et pourvu de tous les superlatifs, cela ne l'empêche pas pour autant de se rendre dans d'autres temples pour honorer les autres divinités. Un Shivaïte ira dans un temple de Krishna pour l'honorer; de même un Vishnuïte honorera le Lingam de Shiva. L'un comme l'autre prieront Ganesh en premier, car c'est l'Intercesseur le plus familier.

Les temples et les cultes

Les temples sont les demeures des Dieux. Dans le sanctuaire intérieur le plus sacré (garbhagriha Sanctuaire intérieur d'un temple) a été installée, souvent depuis des siècles, une statue ou image divine (Mûrti). Pour un Hindou, cette image est vivante et recèle la Conscience du Dieu qu'elle représente. Certaines des mûrti sont dites Swayambhu-Mûrti, c'est à dire Nées d'Elles-mêmes. On pense ainsi que de toute éternité, la Conscience du Dieu a été présente dans cette forme. On connaît surtout des Swayambhu Mûrti du Lingam de Shiva et parfois de Ganesh. Mais dans la plupart des cas, la Conscience Divine dans la forme est éveillée au moyen de rites particuliers.

Aller au temple ne fait pas partie des obligations religieuses mais tout Hindou s'y rend cependant régulièrement, certains chaque jour, pour obtenir le darshan Action de voir la Divinité et d'être vu par Elle de la divinité. On peut traduire darshan par "vision bénissante". Le fidèle est vu par la mûrti devant laquelle il se tient. Les offrandes et les prières renforcent la relation qui s'établit alors.

Les prêtres, presque toujours de la caste des Brahmanes, assurent le service de la divinité tout au long de la journée. Tôt le matin, celle-ci est éveillée, lavée, ointe, habillée, nourrie. A divers moments de la journée sont accomplis des rituels (pûjâ Rite d'un culte) comportant des offrandes diverses selon un cérémonial précis : nourriture, feu, encens. Le soir, la divinité est symboliquement couchée. Dans la journée, une partie de ces pûjâ sont publiques et des fidèles y assistent. La corporation des prêtres n'est soumise à aucune autorité ecclésiastique centrale car l'Hindouisme ne connaît pas d'Eglise. Néanmoins, pour des raisons pratiques, chaque temple de quelque importance possède une organisation administrative interne (devasthanam).

Toute personne fortunée est libre de faire bâtir un temple à la gloire du Dieu de son choix et d'appointer des prêtres Brahmanes pour y assurer le culte. On citera, par exemple, les temples dédiés à Laxmi Narayana (une forme de Vishnu) que l'industriel Birla a fait ériger dans des villes comme Delhi, Jaipur, Hyderabad, Bhopal, ...

Certains temples sont particulièrement fameux car très sacrés et ils attirent d'énormes foules en pèlerinage. Les Indiens aiment citer le temple de Sri Venkateshvar (une forme de Vishnu) à Tirupati-Tirumalai (Andhra Pradesh) qui serait la deuxième puissance financière religieuse du monde après le Vatican. Des dizaines de millions de personnes s'y rendent chaque année.

Les grands temples nourrissent quotidiennement des milliers d'indigents et créent diverses oeuvres caritatives : hôpitaux, écoles, etc.

Quelques éléments sur le symbolisme des Dieux

Les représentations des Dieux ne sont pas le fruit d'un hasard ou de l'imagination des artistes. Chaque divinité est caractérisée par diverses légendes qui rapportent ses exploits. L'origine de ces légendes se perd dans la nuit des temps. Sont-elles le reflet de visions inspirées qu'ont pu avoir des Sages et des Méditants ? Rapportent-elles des faits historiques plus ou moins déformés comme l'on pense être le cas pour les évènements des grandes épopées du Mahâbhârata et du Râmâyana ? Quoiqu'il en soit, les Dieux se retrouvent définis par un ensemble d'informations qui, à leur tour, orientent l'inspiration des artistes chargés de les représenter dans la pierre. Depuis des siècles, les formes divines statufiées se doivent d'obéir à des règles iconographiques tout à fait précises. Le nombre de bras, les emblèmes ou armes tenus dans les mains, la position des mains et les gestes des doigts (mudrâ Gestes des mains), l'animal qui souvent accompagne le Dieu ou la Déesse (vâhana Animal-véhicule), tout est défini.

Par exemple, Nandi Taureau blanc de Shiva est le Taureau blanc serviteur du Dieu Shiva, l'aigle Garuda Véhicule du Dieu Vishnu, celui du Dieu Vishnu, le rat Musakha, celui du Dieu Ganesh Dieu qui lève les Obstacles et protège le foyer .

Les Dieux ont quatre bras, voire plus. C'est d'ailleurs leur caractéristique la plus voyante pour le voyageur néophyte. De même, ne sourient-ils jamais (bien que selon les légendes, ils puissent être satisfaits des sacrifices et offrandes qui leur sont prodigués ou, au contraire, courroucés si on dédaigne de les honorer), et leur présence parmi nous serait immédiatement détectable car Ils n'ont pas d'ombre !!

Que sont les Dieux ?

Ce court aperçu sur les divinités de l'Hindouisme amène à préciser les points suivants :

 Les Dieux les plus anciens représentent des forces naturelles
 Des personnages que l'on pense historiques (Râma, Krishna) ont été élevés au rang divin par la légende et la vénération
 Les Dieux assument des fonctions divines. Ils sont par conséquent partie intégrante de la Manifestation et, bien que leur existence soit supra-humaine, Ils n'en demeurent pas moins sujets, tout comme les hommes, à des sentiments : passion, colère. Ils se résorbent dans la matrice indifférenciée des origines à la fin d'un kalpa
Durée d'un cycle de la 
Manifestation
 Les Dieux sont aussi innombrables que l'on peut en concevoir, tout comme l'Univers est Multiplicité. C'est pourquoi l'on dit symboliquement qu'il en existe 33 millions, ou 330 millions (33 crores). Mais au final, cette multiplicité n'est qu'apparence, illusion, Maya, comme l'enseigne le Vedanta. Elle n'est pas pourvue d'une existence propre, intrinsèque. Donc les Dieux existent-ils ? La question demeure sans réponse.

Les pèlerinages

Se rendre en pèlerinage (yatra) dans un lieu saint fait partie des projets de vie de tout Hindou, qu'il soit pauvre ou riche. L'inconfort, la difficulté physique qu'exigent certains pèlerinages sont considérés normaux pour que ceux-ci prennent toute leur signification : surpasser sa condition quotidienne en accomplissant un acte religieux. L'Inde est en permanence sillonnée par des millions de personnes qui se rendent à pied, en bus ou en train vers un site sacré. Dans l'univers Hindou, de nombreux lieux sont sacrés et en particulier les sept fleuves ou rivières principaux : le Gange (Gangâ Le Gange divinisé), la Yamunâ Rivière affluent du Gange , l'Indus, la Sarasvatî (rivière mythique souterraine), la Narmadâ Fleuve du centre de l'Inde , la Godavari et la Kaveri. La plus sacrée est le Gange, né de la chevelure du Dieu Shiva et, le long de son cours, Haridwar, Allahabad et Vârânasî (Bénarès) sont les trois principaux lieux de pèlerinage. Le confluent du Gange (Gangâ), de la Yamunâ et de la Sarasvatî à Allahabad, en un lieu nommé Prayag, est forcément le point central de pèlerinage. Les gens se rendent en pèlerinage vers ces rivières sacrées pour s'y immerger rituellement et s'y purifier, obtenir le darshan des saddhu (moines errants) présents qui viennent de tout le pays, ou encore y immerger les cendres d'un parent disparu ou accomplir un rite annuel (sraddhha) à sa mémoire.

Tous les douze ans, et à tour de rôle, d'immenses pèlerinages, les Kumbh Mela, rassemblent des foules inimaginables. On attend ainsi 50 millions de personnes à la Kumbh Mela d'Allahabad en janvier 2007.

Les rituels de la vie (samskara)

La vie d'un Hindou est jalonnée par des rituels (samskara) qui marquent les différentes étapes de l'existence. Traditionnellement au nombre de seize chez les Brahmanes orthodoxes, beaucoup d'entre eux sont désormais optionnels.

 Le douzième jour après sa naissance, le bébé reçoit son nom au cours d'une cérémonie familiale. Le père écrit le nom de la déité familiale, la date de naissance de l'enfant et son prénom, puis le murmure dans l'oreille droite du bébé. La famille bénit l'enfant.
 Au 3ème ou 4ème mois, quelquefois, on fait une cérémonie pour la première visite de l'enfant au temple
 Vers 7-8 mois, nouvelle cérémonie à l'occasion de la première nourriture solide
 A un an, cérémonie pour la première coupe de cheveux
 Vers 11-12 ans, a lieu la cérémonie la plus importante, l'Upanayana, qui marque le passage de l'enfance à l'adolescence, pour les garçons, qui reçoivent à cette occasion le cordon sacré (pour les trois premières castes seulement)
 Le mariage est, bien entendu, un rite très important. Le mariage religieux est enregistré administrativement depuis une loi de 1955. Ce n'est pas toujours appliqué dans les campagnes. Les mariages sont pratiquement toujours arrangés par les parents. Le jour du mariage est fixé en fonction de l'horoscope. On évite la période d'août à novembre en raison de la mousson et des grandes fêtes religieuses de l'automne. La cérémonie a lieu au temple puis au domicile des parents de la mariée et à leurs frais (en plus de la dot). Il est d'usage d'inviter tous les parents même éloignés. La cérémonie religieuse, menée par des prêtres appointés connaissant les rituels complexes, dure plusieurs heures. Elle comporte, en particulier, des offrandes au Dieu du Feu, Agni. Les jeunes époux font plusieurs fois le tour de ce feu sacré en prononçant des paroles rituelles
 La crémation. Après son décès, le corps d'un Hindou est brûlé. Seuls les sannyasin sont enterrés. Les rites funéraires sont accomplis pour les femmes par le mari ou le fils aîné, pour un homme par le fils ou le frère, avec l'assistance d'un prêtre spécialisé
 Une dernière cérémonie est faite 11 jours après le décès en hommage au disparu, puis tous les ans.

Ce ne sont pas les mêmes prêtres qui assurent les rites familiaux, les prêtres qui accomplissent les rituels plus complexes des temples ou qui assistent les familles pour les rituels des crémations. Ces derniers, en particulier, sont entachés d'impuretés qui les contraignent à des rituels de purification exigeants.

Les périodes de la vie (ashrama)

Une autre notion traditionnelle divise la vie de l'Hindou en quatre périodes, les ashrama :

 De l'Upanayana jusqu'à son mariage, c'est le brahmacharya, sous la conduite d'un maître spirituel (guru) qui peut être son propre père, pour autant que celui-ci en ait les compétences; le jeune homme apprend les textes sacrés en sanscrit qui l'éclairent sur son dharma propre. C'est une période de célibat, chasteté et obéissance au maître
 Après son mariage commence le grihastha ou vie du maître de maison. L'homme a la responsabilité de sa famille; il exerce son métier.
 Lorsque son fils a un fils à son tour, la continuité de la lignée familiale est assurée. L'homme peut alors se retirer progressivement des affaires et déléguer ses responsabilités à la génération suivante : c'est le vanaprastha. L'homme n'a plus qu'une responsabilité morale sur les actes importants comme le mariage des petits enfants
 La quatrième période est optionnelle, c'est le sannyas. L'homme abandonne tous ses biens et même son nom, quitte définitivement sa famille pour vivre la vie d'un ascète errant ou d'un saddhu méditant dans les montagnes.

Ce schéma traditionnel modèle encore la pensée hindoue mais pour de multiples raisons, les entorses sont nombreuses. La plus commune a trait au passage du grihastha au vanaprashta. Dans la plupart des cas, le père au sommet de son pouvoir ne délègue pas à ses enfants qui, bien qu'adultes et compétents, restent sous sa férule.

Il arrive également que des jeunes gens, éprouvant un attrait irrésistible pour la vie spirituelle sous la conduite d'un guru éclairé, choisissent de prendre le sannyas et renoncent ainsi à toute vie sociale.

La recherche spirituelle

Le Samsara L'Impermanence est l'Univers changeant et impermanent que nous vivons dans notre vie quotidienne. Rien n'est stable, tout passe. Nous sommes attachés à nos cinq sens et aux expériences qu'ils procurent. L’Hindouisme nous dit que cet Univers est sans réalité véritable et que sa connaissance n'est pas La Connaissance (Vidya).

La Réalité est Une, permanente et intemporelle. Pour l'expérimenter, il faut se libérer des conditionnements ordinaires qui nous façonnent. Cette Libération, Moksha Libération du cycle des 
incarnations, est le but ultime de toute recherche spirituelle, quel que soit le chemin suivi.

C'est un processus extrêmement long et difficile qui requiert des vies d'apprentissage. Ceux qui expérimentent Moksha au cours de leur vie sont appelés des Jivan Mukta (Libérés Vivants) et atteignent ainsi un état permanent de Félicité que l'on nomme Samadhi. Dans son livre "Le jeu de la Conscience", Swami Muktananda a raconté cette expérience exceptionnelle.

Les Upanishads Textes sacrés enseignent l'identité de Brahman La Réalité Absolue et d'Atman. Atman Principe du Brahman dans l'Homme, que nous traduisons par âme, faute de terme adéquat, est le correspondant en l'homme (microcosme) du principe de Brahman (macrocosme). La différence essentielle entre atman et âme tient à ce que atman ne renferme pas l'idée d'une entité spirituelle individualisée, encore que certaines branches de l'Hindouisme aient évolué en ce sens...

Dans notre vie de tous les jours, nous nous identifions constamment à nos expériences et à nos sensations : "Moi, je..". C’est l'ego qui est l'acteur de ces identifications. L'Hindouisme apprend que l'ego, ahamkara Principe de l'Ego, est une entité illusoire. Il est créé et façonné par nos désirs et nos peurs et interfère constamment avec l'expérience des sens.

Ces désirs et ces peurs sont l'expression actualisée des empreintes (samskara) laissées par les karma passés. Dans les pratiques les plus élémentaires de yoga, pendant une relaxation, le corps entièrement au repos, l'élève est invité à se poser la question :"Suis-je ce corps ?" et la réponse est forcément "non". Ainsi commence le processus de désidentification qui un jour mènera à Moksha.

Un contresens demeure cependant parfois répandu dans l'esprit des Occidentaux qui ont des idées préconçues sur les approches spirituelles "orientales" (le Bouddhisme est également concerné). Si l'on est libéré de la joie et du chagrin, du plaisir et de la douleur, etc. comment peut-on être vivant ? Cet état, s'il existe, doit être bien morose (d'où l'accusation de nihilisme dont le Bouddhisme a été affublé pendant bien longtemps...).

Mais ceux qui témoignent de cette expérience de Moksha rapportent qu'il n'est pas de plus grande Félicité. Les perceptions et la conscience se dilatent sans limites. Tous les êtres sont vus, sentis comme équivalents et chacun renferme la présence de Dieu. Les Grands Etres ne manquent pas pour témoigner de cette Réalité Suprême : Ramakrishna, Ma Ananda Moyi, etc.

Un sannyasin est quelqu'un qui consacre sa vie à la recherche spirituelle. La recherche spirituelle n'est pas une vague aspiration vers Dieu. Elle requiert un engagement total et constant, une autodiscipline sans faille et un dévouement et une confiance sans limites envers le maître choisi. Pour le disciple (sheshya), le maître (guru, prononcer gourou) représente Dieu. L'apprenti disciple demande au maître de l'accepter mais celui-ci est libre de donner ou non son accord. En tout état de cause, une longue période probatoire, souvent dans l'ashram (ermitage) du guru, testera la solidité de l'engagement de l'apprenti disciple. Une fois admis comme disciple, aucun retour en arrière n'est normalement possible. En effet, le guru a pris une décision irrévocable qui l'engage en prenant sur lui le karma du nouveau disciple, dans cette vie comme dans les suivantes sur la voie spirituelle.

La voie spirituelle a pour but ultime la Libération (Moksha) du cycle des réincarnations, par la fusion dans le Divin. Un libéré vivant (jivan mukta) est quelqu'un qui est passé au-delà de la psyché ordinaire et dont les actes n'entraînent plus aucun karma. Cet état, rarement atteint, est inimaginable pour l'homme ordinaire.

Pour guider son disciple sur la voie spirituelle, le guru utilisera des méthodes adaptées au profil psychologique et mental de celui-ci. L'ensemble de ces méthodes constitue le Yoga.

Quelles que soient les étapes préliminaires, la pratique approfondie de la méditation est nécessaire pour libérer progressivement l'esprit des conditionnements. On cite ainsi l'exemple de grands Sages qui méditent de longues années pour arriver à l'Eveil (Samadhi pour les Hindous, Nirvana pour les Bouddhistes), par exemple Milarepa, Muktananda, Vivekananda, Yogananda ainsi que le Bouddha dans sa propre voie.

L'homme dans la société

Si les mots respect et obéissance gouvernent la vie de la femme, celui de devoir modèle celle des hommes. Dans l'hindouisme, chaque personne est responsable de ses actes, vis à vis d'elle-même et vis à vis de sa communauté propre. Le mot qui désigne cette obligation morale de comportement est dharma. Dharma veut dire Nature. Tout ce qui existe suit son dharma. S'appliquant à l'homme, le dharma est l'ensemble des règles naturelles qui lui permettent de vivre en harmonie avec lui-même et les autres. Cette définition, neutre au départ, va forcément générer un code de conduite morale. Selon sa place dans la société et la période de sa vie, le dharma de chacun présente des caractéristiques propres. Le dharma d'un soldat n'est pas celui d'un marchand. C'est pourquoi le pacifisme en soi n'est pas, pour les Hindous, une vertu, car s'il s'inspire souvent de sentiments honorables, il peut aussi cacher la couardise, la peur. Ainsi, dans la Bhagavad Gîta, Arjuna, guerrier courageux, hésite-t-il à la dernière minute à s'engager dans une bataille mortelle où périront nombre de ses parents et amis. Mais Krishna l'exhorte à l'action car la lutte est juste et nécessaire. Le dharma d'Arjuna est de combattre. De la même manière, le dharma d'un commerçant est de gagner de l'argent de façon honnête, celui d'un prêtre est d'honorer les Dieux, celui d'un père de famille est de faire vivre sa famille. Ainsi le dharma de chacun est-il fonction de sa place dans la société et il évolue au cours de la vie.

L'homme hindou a des devoirs de respect envers ses parents. Pour un Hindou, le premier guru (prononcer gourou) est le père. C'est celui qui va le former à sa future vie d'homme et lui apprendre les rites familiaux accomplis quotidiennement pour honorer les divinités. L'Hindou conserve toute sa vie un fort sentiment d'appartenance à sa lignée familiale. Il fut un temps, pas très lointain, où l'homme exerçait le même métier que son père. Le groupe professionnel auquel il se rattachait de naissance s'appelle la jâti. Les membres d'une même jâti se doivent assistance. Le dharma social propre à chaque jâti se traduit par un certain nombre de règles comportementales ainsi que d'interdictions. Dans telle jâti, on pourra manger du poulet, dans telle autre, on sera végétarien. Dans son foyer, on ne prend ses repas qu'avec des gens de la même jâti, éventuellement d'une jâti compatible. Ces règles évoluent au fil du temps car des comportements plus "moraux" ou rituellement plus "purs" élèvent la jâti dans la hiérarchie sociale. De nos jours, l'éducation des jeunes gens en milieu urbain leur donne l'occasion d'exercer des métiers différents de ceux des pères, voire des métiers nouveaux.

Cette tendance à la spécialisation professionnelle familiale n'est pas limitée aux Hindous. On remarquera, par exemple, que beaucoup de bijoutiers sont des Musulmans et que de nombreux pêcheurs des régions côtières sont des Chrétiens.

Le poids des contraintes qui pèsent sur l'homme Hindou semble avoir des conséquences pas toujours heureuses sur son comportement dans la société. Soumis à son père, soumis à son patron (qui le traite souvent fort mal), il va avoir tendance à compenser, en étant à son tour arrogant avec ceux qui lui sont inférieurs dans la sphère professionnelle et méprisant ou indifférent envers ceux d'un bas niveau social.

L'Hindouisme professe la compassion car tous les êtres humains, animaux, et tout ce qui existe, sont l'expression de la puissance divine. Pour le Mahatma Gandhi, il n'y avait aucune distance sociale réelle entre un éboueur (Intouchable de la plus basse espèce) et un prêtre Brahmane. Mais cette vision est celle des Saints, pas celle des hommes ordinaires, empêtrés dans les préjugés de caste et l'égoïsme.

Il parait que les "merci" et "excusez-moi" n’existent pas en Hindi. De fait, leur équivalent anglais n'est utilisé qu'exceptionnellement et par des gens qui connaissent bien les usages des Occidentaux. Vous achetez un objet dans un magasin, vous le payez le prix convenu avec le commerçant, pourquoi voudriez-vous qu'il vous dise merci ? Vous avez votre objet, il a son argent, chacun est satisfait et ne doit rien de plus à l'autre. L'échange est équilibré. Le merci est superflu, mais on vous aura certainement offert un thé ou toute autre boisson, ce qui est une autre forme de politesse. Le terme "excusez-moi" n'est employé que par les commerçants qui veulent attirer votre attention dans la rue et vous faire entrer dans leur magasin. En revanche, quelqu'un qui vous bouscule dans la rue ne s'excusera pratiquement jamais. Il va son chemin, vous suivez le vôtre.

Dans la rue ou sur la route, les règles théoriques de bonne conduite cèdent la place à l'empirisme total : c'est le plus gros qui passe le premier. Le camion prend le pas sur la voiture, la voiture sur les deux-roues, lesquels frôlent les piétons sans vergogne. Bref, c'est du chacun pour soi dans une société stratifiée où le plus fort commande.

La notion de comportement citoyen est encore faible. Ceci explique peut-être que les Hindous, si soucieux dans leur sphère personnelle et familiale de "pureté rituelle", soient si négligents quant à l'hygiène des lieux publics. Chacun lance ses papiers gras n'importe où, crache glaires ou longs jets de salive rougis de bétel, et se mouche dans ses doigts. L'accélération exponentielle de l'utilisation des matières plastiques, particulièrement les sacs plastiques, aggrave la situation, jusque dans les villages. Il n'y a pas si longtemps, les vaches se faisaient un devoir d'avaler journaux cartons et papiers d'emballage. Maintenant le moindre coup de vent fait apparaître des milliers de cerfs-volants fous et disgracieux. La faiblesse et le manque de moyens des services municipaux de nettoyage expliquent aisément la saleté repoussante des rues dans les quartiers populaires des villes.

En revanche, les intérieurs sont très propres, à tel point que l'usage est de se déchausser en entrant. Les Indiens sont soignés de leur personne et en voyageant, il est fréquent de voir des gens, le long des routes, au bord des bassins ou des rivières, s'enduire de savon et se frotter énergiquement. Ce qui ne les empêche pas d'avoir des vêtements rapiécés ou tâchées... mais propres. Cette impression positive est curieusement contrecarrée par des avis contraires.

Parmi les obligations d'un "bon" Hindou, figure celle de donner l'aumône aux mendiants et de nourrir les saddhus. Les uns comme les autres sont souvent massés près des temples et autres lieux sacrés. Ainsi, chacun peut leur donner une piécette. Cet acte est considéré comme méritoire et porteur de bon karma. La compassion envers les démunis est absente de ce geste.

La société indienne manque-t-elle de charité ? Il est difficile de répondre à cette question. D'un côté, d'innombrables associations, animées par des bénévoles, portent assistance aux gens dans le besoin : orphelins, lépreux, handicapés, veuves, paysans sans terre, etc. Ce sont évidemment des sentiments de charité et compassion qui les guident. Mais, par ailleurs, les classes moyennes ou supérieures qui emploient comme domestiques des petits cousins de la campagne ou des enfants enlevés à leurs parents par des organisations mafieuses dans des coins reculés du pays, les exploitent honteusement plutôt qu'ils ne les protègent. Les journaux mentionnent fréquemment des cas de viols et de mauvais traitements. Sans aller jusqu'à ces extrémités, les infortunés qui tombent sous la coupe de ces méchants maîtres ne reçoivent aucun salaire ou un salaire de misère, mangent mal et dorment par terre. De toutes façons, les petits employés sont toujours mal payés et exploités par leurs patrons. Quant aux enfants non scolarisés, encore en trop grand nombre, ils sont une proie de choix pour fournir une main d'oeuvre quasiment gratuite.

Dans la vie en société, l'homme indien semble plutôt placide. Il ne s'énerve pas au volant, ni dans les encombrements, encore qu'il use de son klaxon à tout propos...

Cette tranquillité apparente cache un volcan. Les rassemblements de foule provoquent souvent des incidents, des bousculades parfois mortelles, quand ce ne sont pas des affrontements intercommunautaires qu'un rien peut déclencher. Les policiers, armés de longs bâtons (lathi), connaissent bien ce genre de risques et réagissent rapidement avec brutalité.

Mais c'est dans la sphère privée que l'homme manifeste le plus sa violence. Une enquête récente rapporte que 18 à 45% des hommes (la fourchette est large mais significative) reconnaissent abuser de leur femme : viols, mauvais traitements. Dès l'âge de la puberté, la jeune fille est le point de mire de la concupiscence des cousins et des oncles. Inceste et surtout viols sont loin d'être rares mais l'on n'en parle que depuis peu, par exemple dans le film "Le mariage des moussons". Le jeune indien romantique en face de la jeune fille qu'il convoite, semble avoir laissé depuis peu la place à un mâle brutal qui n'hésite plus à agresser, défigurer ou tuer la jeune fille qui l'éconduit.

Les inhibitions sexuelles masculines expliquent très certainement cette violence. La promiscuité dans les familles élargies, l'éducation séparée des garçons et des filles, le puritanisme des dynasties Musulmanes qui gouvernèrent l'Inde pendant des siècles, avant d'être évincées et remplacées par des colonisateurs Britanniques à la morale tout aussi rigide, ainsi sans doute que d'autres facteurs, concourent à créer une société compartimentée et apparemment névrosée.

L'un des rares psychiatres indiens à avoir été formé selon l'école freudienne, Sudhir Kakar, estime que l'homme indien est un être immature. Elevé uniquement par des femmes dans sa prime jeunesse, il est choyé par sa mère, ses tantes et cousines. Tout ce qui est féminin est vu comme bon. Après son initiation de l' upanayana vers 11-12 ans, il va désormais vivre dans le monde séparé et machiste des hommes. Il en gardera une image double et ambiguë de la féminité qui se traduit parfaitement dans les croyances religieuses. Tantôt, la Déesse est aimante, douce et protectrice, tantôt elle est cruelle, dévorante et destructrice. Ainsi en est-il de Kâlî qui symbolise parfaitement cette ambivalence. La mère est à la fois aimée, vénérée mais aussi redoutée. L'homme adulte ne parvient pas à assumer une relation d'équilibre avec une femme. C'est pourquoi tant d'indiens préfèrent se marier avec des gamines à peine nubiles qu'ils peuvent aisément subjuguer et terroriser.

Les annonces matrimoniales demandent la plupart du temps que la future épouse soit bien éduquée. Hélas, il arrive encore, même si elle est pourvue d'un diplôme qui lui permettrait d'exercer un bon métier, que la jeune femme se voit confinée dans son foyer par un mari jaloux, le choix d'une épouse éduquée n'étant qu'un prétexte pour rehausser son propre statut social. Heureusement, les femmes éduquées se laissent de moins en moins prendre à ce genre de piège, et beaucoup de jeunes femmes sont moins pressées de se marier que les hommes.

L'homme indien se dit facilement sentimental. On veut bien le croire. L'énorme industrie cinématographique produit des centaines de films par an dont la grande majorité mélange danses rythmées, scènes d'amour naïves avec héroïne au regard de biche et mâle au regard protecteur, et chansons d'amour. Le succès de ces films est phénoménal. L'amour y est bluette romantique : les héros ne s'embrassent jamais. De vrais problèmes sont néanmoins abordés avec intelligence, contribuant à faire évoluer les idées. Mais l'amour reste avant tout sentimental, ce qui est incompréhensible dans un pays où les mariages sont arrangés par les parents et où l'amour ne naît éventuellement que dans l'épanouissement d'une vie de couple réussie.

Sentimental, l'Indien l'est aussi dans sa dévotion envers des divinités telles que Râma et Krishna. Un grand nombre de bhajans (chants dévotionnels) font partie de la pratique de la Bhakti, dévotion sans limite envers le Divin.

Ainsi, le tableau du comportement de l'homme, s'il est souvent peu flatteur, est-il en fait contrasté. La société de consommation qui se répand de façon fulgurante dans ce pays à la forte croissance économique, renforce le matérialisme et la recherche de l'argent et des plaisirs à tout prix. Les différences de niveaux de vie, surtout en ville, accroissent l'anxiété masculine et son agressivité.

On espère cependant que l'Inde en voie de modernisation ne perd pas son âme. Si le voyageur est souvent attiré par ce pays, c'est que la spiritualité, l'ambiance religieuse, sont omniprésentes. Il suffit de regarder autour de soi. Les chauffeurs de camions, voitures, moto rickshaws, ont tous une ou plusieurs divinités sur le tableau de bord de leur véhicule. Les commerçants, quand ils ouvrent leurs échoppes, brûlent de l'encens pour honorer la divinité du petit autel qu'ils y ont immanquablement installé. Des gens passant dans la rue touchent le dos ou la bosse d'une vache pour quérir sa bénédiction. Dans certaines villes, comme Varanasi (Bénarès), il est d'usage qu'un Ganesh de pierre, placé au-dessus des portes d'entrée, accueille le visiteur. Au Rajasthan, à l'occasion des mariages, on peint des Ganesh sur les murs de la maison des nouveaux mariés. Dans les rues, la présence d'un temple se signale par d'innombrables guirlandes de fleurs vendues à proximité. Des quotidiens lus par des millions de personnes, comme le Times of India ou l'Hindustan Times, ont leur page religieuse et spirituelle. Plusieurs chaînes de télévision sont consacrées à des émissions religieuses. De nombreuses fêtes religieuses ponctuent la vie tout au long de l'année : Dipavali, Holi, Ganesh Chaturthi, Mahashivaratri, Durgâ Pûjâ (Navaratri), Ramnavami, etc. sont l'occasion de prières, cérémonies dans les temples, jeûnes, largement suivis par les Hindous.

L'Inde est le seul pays où l'on enseigne une langue morte encore parlée par de nombreuses personnes car le sanscrit est la langue des textes sacrés. Le Web fourmille de portails et sites consacrés à la religion hindoue. On peut y commander des pûjâ en ligne, écouter des mantras...

La femme dans la société

La société indienne est patriarcale. Les hommes et, en particulier le père ou l'aîné de la famille, détiennent l'autorité morale et économique. Il serait cependant caricatural de ne voir en la femme indienne qu'une servante soumise.

Dès son plus jeune âge, la petite fille est formée par sa mère et toutes les femmes de la maisonnée, à son futur rôle de mère et d'épouse. Elle participe aux tâches ménagères (dans les campagnes collecte du bois, de l'eau, etc...). Elle s'occupe des enfants cadets. Le souci obsessionnel des parents sera de la marier sans tarder, bien que le mariage des jeunes enfants soit interdit de longue date. Lorsqu'il était pratiqué, la jeune mariée retournait d'ailleurs sous le toit de ses parents jusque ce qu'elle soit nubile. Actuellement, le mariage est autorisé à partir de 18 ans pour les filles et de 21 ans pour les garçons.

Dans l'immense majorité des cas, les mariages sont arrangés par les parents. Ils entreprennent, seuls ou avec l'aide de personnes appointées (guru de la famille, entremetteuse, agence matrimoniale, petites annonces) la recherche du conjoint adéquat. Celui-ci doit être de caste identique ou similaire et présenter des garanties d'avenir.

La scolarisation des filles est en retard par rapport à celle des garçons. Pour l'ensemble de l'Inde, les femmes sont scolarisées à 48% et les hommes 70%. Ce chiffre déjà défavorable recouvre de fortes disparités : si elles sont scolarisées à 86,2% au Kerala (93,6% pour les hommes), elles ne le sont qu’à 20,4% au Rajasthan (55,0% pour les hommes). L'idée qu'une femme puisse avoir un travail indépendant bien rémunéré progresse mais elle est relativement récente et urbaine (64% des femmes sont scolarisées dans les villes à l'échelle du pays). Les filles scolarisées dans les campagnes arrêtent l'école très tôt pour retourner aux travaux ménagers et des champs.

La dot des filles est, en principe, interdite par la loi. Elle est cependant toujours d'actualité et pèse lourdement sur les finances des parents. Quand ce sont de petits agriculteurs, il est fréquent qu'ils s'endettent pour des années auprès de l'usurier local. Qu'advienne une succession de mauvaises récoltes et l'impossibilité de rembourser intérêts et capital entraînera trop souvent la perte du seul bien de la famille, à savoir le lopin de terre qui la fait vivre.

En effet, les exigences des familles de garçons sont d'autant plus exorbitantes que la future épouse est peu éduquée ou a la peau sombre. Les biens de consommation : scooter, télévision, machine à laver, etc... constituent autant de requêtes hors de portée des gens modestes. Les dots non payées intégralement peuvent générer des drames dans des familles avides : la jeune femme sera maltraitée, battue et parfois même arrosée d'essence dans la cuisine pour y être brûlée vive !! Les journaux rapportent périodiquement ce genre de drame.

Une fois mariée, la jeune femme réside avec son mari sous le toit de ses beaux-parents. La famille traditionnelle, dite élargie, peut ainsi comporter trois ou quatre générations sous le même toit, soit plusieurs dizaines de personnes. Les femmes y sont soumises à l'autorité de la belle-mère qui, seule, détient les clés des provisions et règle dans les moindres détails la bonne marche de la maisonnée. Les prescriptions relatives à la préparation des repas et aux rites de purification sont aussi sous son autorité.

Soumise à sa belle-mère, la jeune femme l'est également à son mari auquel elle doit respect et obéissance. Les films indiens sont le reflet de cette vertu féminine qui va jusqu'au pardon inconditionnel de l'époux infidèle. Si un homme trompe sa femme, la première réaction de celle-ci sera de se demander :"Qu'ai-je fait de mal pour qu'un pareil malheur arrive ?".

Dès qu'elle a un enfant mâle, la jeune femme voit son statut changer de façon de façon sensible. Elle a contribué à la continuité de la lignée. Respectée, elle restera toujours quand même sous l'autorité et la protection des hommes de la famille. En revanche, elle est souveraine dans son domaine : éducation des enfants jusqu'à l'upanayana vers 11-12 ans, la cuisine, les rituels religieux familiaux quotidiens qu'elle accomplit seule ou avec son mari. Plus elle avance en âge, plus son emprise sur la maisonnée est grande.

La dépendance morale et économique envers les hommes rend le veuvage particulièrement difficile. En théorie, une veuve n'a plus de rôle social. Vêtue de blanc, elle ne doit plus porter de bijoux. Si elle n'est pas prise en charge par l'un de ses fils, sa situation est précaire. C'est pourquoi de nombreuses associations ont pour rôle principal d'aider les veuves dans le besoin. Autrefois, dans les classes supérieures, il était même recommandé que la veuve ne survive pas à son mari et s'immole sur son bûcher funéraire. Cette coutume, appelée Sati, a pris naissance chez les Kshatriya au cours des luttes contre les invasions musulmanes, c'est à dire après le 12ème siècle. Les Sati étaient considérées par les gens comme des saintes. Des stèles de pierre ou des empreintes de mains sur les murs portent témoignage de cette ferveur populaire. La coutume se développa et s'étendit à d'autres castes. Elle fut interdite dès 1829 sous l'occupation coloniale, par les Britanniques, sous la pression d'intellectuels hindous modernistes. Mais elle se poursuivit clandestinement, certaines Sati n'étant pas volontaires. Il semble que de nos jours, cette coutume soit enfin (presque) abolie.

Une autre coutume est celle du purdah, ou claustration des femmes (purdah désigne aussi le voile qu'elles portent en public). Le purdah a pris naissance également à l'ouest du pays, au Rajasthan, et pour les mêmes raisons que le Sati, afin de protéger les femmes des envahisseurs musulmans et plus généralement de la concupiscence masculine. Le purdah s'est d'autant plus aisément installé que les musulmans procédaient de même. Ainsi le zenana, quartier réservé aux femmes dans la maison ou le palais, gardé par des eunuques, correspond exactement à la notion de harem. Le purdah s'est donc développé et étendu aux commerçants bourgeois. Les paysannes que l'on voit aujourd'hui porter un voile dans les campagnes ne se cloîtrent pas mais protègent leur visage contre le regard inquisiteur et contre le vent brûlant et asséchant. Le purdah reste cependant limité au nord de l'Inde.

La femme moderne qui a reçu une éducation supérieure et vit dans les villes a, bien entendu, tendance à rejeter ces contraintes de la société patriarcale. La dimension réduite des appartements (l'immobilier coûte cher) disloque les structures de la famille élargie. Les liens familiaux restent néanmoins très puissants mais leurs effets se font moins sentir dans la vie de tous les jours. Le jeune couple garde des obligations morales et financières vis à vis des parents et des frères et soeurs mais mène sa vie quotidienne comme il l'entend. La femme moderne travaille, a le droit d'ouvrir un compte en banque séparé. La loi lui reconnaît droit à une part d'héritage. Cette dernière disposition est cependant rarement appliquée et les recours en justice sont difficiles et aléatoires. Selon la tradition, c'est le fils aîné qui hérite, évitant ainsi la dispersion des biens, surtout de la terre.

En ville, se produisent plus facilement et plus fréquemment des mariages inter castes, voire avec des étrangers. Mais si les parents ont des conceptions traditionnelles rigides, de tels mariages sont considérés comme des mésalliances pouvant entraîner la rupture des relations. Le mariage arrangé reste toutefois la norme, même en milieu urbain. Les futurs époux peuvent se rencontrer, et la jeune femme a la possibilité de récuser un garçon qui ne lui plaît pas. Le mariage d'amour à l'occidentale est donc exceptionnel. Le succès médiatique de la Saint Valentin (à cette occasion fleurissent d'innombrables cartes de voeux) traduit certainement les aspirations de nombreux jeunes, mais n'a aucun impact sur les pratiques sociales réelles.

Les femmes jouent un rôle considérable dans la vie politique et leur présence numérique dans les partis et les instances gouvernementales (9% de femmes au Parlement fédéral) ce qui n'est pas si mal par rapport à la France (11% en 2002), qui est cependant à l'avant-dernière position dans l'Union Européenne). Le divorce, autorisé par la loi depuis 1955, reste rare, les femmes n'ayant que rarement l'indépendance économique et restant soumises aux pressions familiales. Qu'une femme divorce est un déshonneur pour sa famille qui devient la risée du village. Réfugiée par défaut sous le toit de ses parents, s'ils l'acceptent (car ils lui devront alors nourriture et protection), elle n'a aucune perspective de remariage. La loi reconnaît à la divorcée une pension de 20% des revenus du mari, mais cette disposition est inappliquée dans la plupart des cas. Une décision récente de la Haute Cour de Justice de porter ce pourcentage à 50 le serait encore plus, mais montre que les autorités sont conscientes des problèmes économiques que rencontrent ces femmes.

Le système des castes

Le terme caste vient du portugais casta, ou catégorie pure, non mélangée (allusion à l'étanchéité des castes entre elles), qui fut introduit en Inde au 16ème siècle. Il est ambigu et, bien que largement employé (surtout en Occident car les Indiens sont d'habitude bien discrets sur le sujet, sauf dans les journaux), il ne reflète pas l'arrière-plan qui explique l'origine et le développement de cette organisation de la société.

On lui préfère le terme varna, qui signifie couleur et englobe les quatre grands groupes sociaux originels suivants :

 Les Brahmanes, dont sont issus les prêtres
 Les Kshatriya qui fournissent les gouvernants et les guerriers
 Les Vaishya ou agents économiques (commerçants)
 Les Sudra ou artisans, au service des trois premières varna.

Dans la conception traditionnelle, telle que décrite dans les Dharma Shastra, l'appartenance d'un homme à une varna donnée dépend de sa naissance : un fils de Brahmane naît Brahmane. Cette appartenance est intangible pour la durée de cette vie. S'il est né dans une basse caste, Sudra, par exemple, il ne pourra améliorer son statut qu'au cours d'une incarnation ultérieure par l'effet des bons karma accumulés au cours de la présente vie. Pour l'Hindouisme, cette division de la société est naturelle et correspond aux tempéraments et prédispositions de l'être humain. Telle personne avec une grande force de caractère et de la bravoure est Kshatriya par nature.

A l'époque moderne, le Mahatma Gandhi restait fermement partisan de cette subdivision de la société en quatre catégories. Cependant, quelques rares textes anciens laissent entendre que le passage d'une varna donnée à une autre est possible au cours d'une même vie. Un enseignant (Brahmane) peut ainsi devenir commerçant (Vaishya). Mais l'on ignore si cette facilité était exceptionnelle ou la règle à certaines époques. La courte durée de la vie, la sédentarité dans les villages, l'absence d'éducation de la grande majorité des gens, expliquent aisément et justifient cette conception des varna ainsi que la spécialisation professionnelle héréditaire dans le cadre des jâti. Les siècles d'occupation par des pouvoirs étrangers ne peuvent qu'avoir renforcé le conservatisme de la société hindoue.

Les mythes rapportent que la race humaine est issue d'un Etre divin géant, à forme humaine, Purusha. De sa bouche, sont venus les Brahmanes, de ses bras les Kshatriya, de ses cuisses les Vaishya et de ses pieds les Sudra. Dans cette conception, il est bien évident que nul n'est supérieur à l'autre. L'humble artisan n'est pas inférieur au puissant guerrier ni au prêtre intercesseur des divinités. Il leur est complémentaire et indispensable. De tous temps, ont existé des intellectuels et des Sages d'une part, des gens de pouvoir et d'action d'autre part, des hommes d'argent et de commerce aussi et enfin des ouvriers et des serviteurs. L'asservissement de certains par d'autres est une faiblesse humaine, non une loi naturelle.

Au fil des siècles, cette organisation s'est complexifiée. A la notion de varna s'est surimposée celle de jâti ou groupement socioprofessionnel spécifique. Dans la société traditionnelle, le fils reprenait souvent le métier du père. Mais la société indienne est ainsi faite que chaque jâti a voulu se différencier des autres par un ensemble de règles comportementales et sociales particulières : c'est le dharma de la jâti. Parmi ces règles, celles qui portent sur la pureté rituelle des habitudes quotidiennes, alimentaires entre autres, sont très contraignantes. Le mariage endogamique est également la règle, mais il évite les risques de consanguinité en recherchant les opportunités de partenaire dans d'autres villages. Les règles qui gouvernent les jâti évoluent progressivement, mais toujours dans le sens d'exigences accrues, d'exclusions variées qui ont pour but de rehausser le statut de la jâti en question. Il faut en effet savoir que plus une catégorie est haut placée dans la hiérarchie sociale, plus elle se doit de suivre des règles de vie exigeantes. Ainsi, les Brahmanes très orthodoxes seront-ils soumis à des règles de pureté rituelle très complexes. A l'autre bout de l'échelle sociale, aucune exigence ne pèse sur les gens. Les jâti sont très nombreuses, plus de 4300. D'une province à l'autre, la place d'une jâti donnée dans la hiérarchie sociale peut varier très sensiblement.

L'apparition de l'intouchabilité au cours histoire de l'Inde s'explique probablement par les deux facteurs suivants :

 D'une part, certains métiers (vidangeurs, équarisseurs, etc.) sont par nature très sales. Les gens excluaient ceux qui manipulaient des substances pouvant propager des maladies.
 D'autre part, certains délits graves étaient punis d'une proscription sociale totale et définitive : meurtre d'un Brahmane ou d'une vache, mariage de grave mésalliance.

Reste à savoir si les métiers "sales" n'étaient pas justement les seuls qui restaient accessibles à des gens exclus du corps social... Ce phénomène de l'intouchabilité s'est développé au cours des siècles au point d'atteindre un pourcentage significatif de la société (201 millions de personnes au recensement de 2011) car l'intouchabilité, comme d'ailleurs l'appartenance à n'importe quelle caste, est une donnée héréditaire. Il nous paraît stupéfiant que la grave erreur d'un père soit transmise à toute sa descendance, mais il en est ainsi dans la société hindoue où la notion de karma collectif prime sur toute autre analyse. C'est la croyance en la pluralité des vies qui, seule, permet de changer de statut.

Les Intouchables étant des hors castes, il apparaît logique que les non-Hindous soient également considérés comme des Intouchables. Ainsi en est-il des populations tribales (Adivasi) des régions reculées du pays. Ainsi en est-il également des minorités religieuses.

Les discriminations liées à l'intouchabilité ou à l'appartenance à quelque caste que ce soit ont été abolies par la constitution (article 17) de l'Inde indépendante dès 1950. Mais force est de constater que l'ostracisme social dont les Intouchables sont frappés n'a que partiellement évolué. Dans les villages, les Intouchables sont relégués à la périphérie et doivent avoir leur propre puits, car l'accès au puits communautaire ne leur est pas permis. L'entrée dans les temples ne leur a été concédée qu'avec réticence. Autrefois, que l'ombre d'un Intouchable touche celle d'un Brahmane était considéré comme une offense. Les Intouchables, qui se désignent eux-mêmes sous le nom de Dalits (opprimés) sont encore l'objet de persécutions et de mauvais traitements. L'action du gouvernement tente de corriger les inégalités sociales qui les frappent. Une déclaration de décembre 2006 du premier Ministre d'alors, Mr. Manmohan Singh, s'insurgeait contre la persistance du sort malheureux des intouchables et le comparait aux effets pervers de l'Apartheid en Afrique du Sud. Moins scolarisés que la moyenne, du fait de la pauvreté des familles et des réticences des villageois à voir leurs enfants admis à l'école, ils bénéficient en compensation d'une politique de discrimination positive qui leur réserve des quotas d'emplois dans la fonction publique, en proportion de leur importance numérique. Ces dispositions pourtant déjà anciennes ne sont pas pleinement efficaces. Les quotas ne sont pas atteints et les emplois pourvus sont le plus souvent subalternes. D'autre part, cette politique de discrimination positive est fortement critiquée par les castes supérieures, surtout les Brahmanes qui, traditionnellement lettrés et bien éduqués, estiment qu'ils sont défavorisés et qu'une telle politique ne peut qu'affaiblir le niveau général de l'éducation.

Un débat actuel pose la question d'appliquer cette politique d'emplois réservés aux Intouchables dans le secteur privé. De nombreuses voix s'élèvent pour s'opposer à une décision qui n'est pas de la responsabilité des Pouvoirs Publics et amoindrirait l'efficacité du secteur privé, surtout en matière de compétitivité internationale. D'autres voix plaident pour l'équité sociale. Intouchable ne signifie pas forcément pauvre et exclu. De nombreux hommes d'affaires, des médecins et avocats réputés, des politiciens influents, ont émergé de la masse des Intouchables et militent souvent en faveur de leurs droits.

Le Mahatma Gandhi les appelait Harijan ou enfants de Dieu, marquant ainsi qu'il ne voyait pas de différence entre le plus puissant et le plus démuni. Mais cette vision d'un saint homme ne changea en rien la situation de ces malheureux et l'appellation fut même considérée comme paternaliste et malencontreuse car Harijan signifie également bâtard.

La situation commença à bouger de manière significative lorsque le Docteur Ambedkar, lui-même Intouchable et membre du Parlement, se convertit en 1956, peu avant sa mort, au Bouddhisme, religion qui ne reconnaît pas les castes, entraînant avec lui des centaines de milliers de personnes, rien qu'au Maharashtra.

La conversion à une autre religion est apparue à beaucoup d'Intouchables comme une solution pour sortir de leur état. Le Christianisme en a largement profité, par exemple dans les Etats du Nord-est (Nagaland, Tripura, etc.), christianisés à 90%, car peuplés de tribaux hors castes. Les missionnaires, souvent américains et se réclamant de sectes chrétiennes diverses, continuent à exercer une forte influence prosélyte dans les régions tribales arriérées. Leur action humanitaire indéniable ne peut cependant occulter l'objectif premier et persévérant de conversion obtenue par la persuasion et la distribution de nourriture.

Le cas des conversions à l'Islam est assez similaire. Si certains empereurs fanatiques comme Aurangzeb (17-18ème siècle) ont converti des populations entières par l'épée, les conversions pacifiques n'en ont pas moins existé tout au long des longues périodes de pouvoir Musulman en Inde. Elles concernaient déjà des Intouchables ainsi que certains courtisans du Palais qui acquéraient ainsi considération et pouvoir. A certaines époques, l'impôt prélevé sur les non-Musulmans (jizia) a également joué un rôle d'incitation. De nos jours, les conversions d'Hindous à l'Islam sont rares et se produisent, par exemple, lorsqu'une femme hindoue épouse un musulman. Les Musulmans font ainsi de l'Inde le troisième pays musulman du monde (ex-aequo avec le Bengladesh), après l'Indonésie et le Pakistan.

L'Hindouisme, lui-même non prosélyte, voit d'un oeil très défavorable les activités de conversion des missionnaires. Il est cohérent avec sa propre vision du monde : chacun naît dans un certain milieu, avec une religion donnée et doit assumer ses origines et sa culture. Les Hindous ne sont pas davantage favorables à ce que des étrangers, Occidentaux par exemple, se convertissent à l'Hindouisme, sans du moins s'y impliquer très sérieusement.

Malgré leur situation souvent misérable, la plupart des Intouchables ne se révoltent pas contre le système des castes puisque celui-ci résulte de l'ordre naturel des choses. On observe même que les Intouchables créent entre eux des catégories qui se comportent entre elles comme des castes. Il existe donc des Intouchables plus Intouchables que d'autres. Ceci est une preuve, s'il en est, de l'extrême solidité du système.

Cette rigidification et stratification de la société ne correspondent plus du tout aux conceptions philosophiques initiales car elles génèrent des antagonismes et non des complémentarités. Lorsque des castes agraires, comme les Jats et les Gujars, qui devraient être très proches l'une de l'autre, en viennent à se jalouser et se combattre, on peut penser que les impératifs de survie économique sont désormais étroitement liés aux intérêts propres à chaque caste. En ce sens, la caste a encore de beaux jours devant elle. D'autant que 65% des gens vivent encore dans les campagnes ou de petites agglomérations. Cependant, la croissance rapide des grandes villes (Mumbay 14 millions d'habitants, Delhi 11 millions) a déjà commencé à nuancer le tableau. La caste y est de moins en moins liée à la jâti. Les changements de profession de père à fils s'accélèrent. L'émergence d'une société aisée, voire riche, la vie en famille nucléaire, l'éducation supérieure, éloignent progressivement les gens des conceptions étroites de la caste et de ses contraintes. On ne saurait dire si le jeune Brahmane a des amis Intouchables mais ce n'est désormais plus impossible.

Le monde moderne altère sensiblement sinon la théorie de cette organisation sociale, du moins sa pratique. On ne change toujours pas de varna mais la caste de naissance influe de moins en moins sur le cours de la vie, du moins dans les villes. L'éducation moderne, l'allongement considérable de la durée de la vie, la grande mobilité, sont autant de facteurs qui facilitent les changements personnels et professionnels, quand ils n'y obligent pas.

On peut se demander si de nouvelles jâti ne vont pas se créer avec d'autres modes de fonctionnement. Mais leurs membres seront issus de castes différentes, par exemple un informaticien peut être Brahmane ou Sudra. C'est sans importance dans l'exercice du métier (jâti) mais l'on ignore jusqu'à quel point la sphère personnelle et comportementale (dharma) en est modifiée. Autrement dit, les varna sont-elles appelées à se dissoudre ou s'uniformiser ? On ne peut préjuger de l'avenir car l'on assiste en même temps à des phénomènes contradictoires. Par exemple, dans de nombreuses annonces matrimoniales, il est fréquent de lire : "caste indifférente". Dans le même temps, la revendication religieuse peut aller jusqu'à l'expression d'un extrémisme violent (conflit d'Ayodhya). Dans un autre registre, l'on constate la persistance du mariage arrangé et des exigences des familles face aux aspirations des jeunes gens.

La vache en Inde

La vache en Inde est sacrée, tout le monde sait cela. Mais pourquoi vénérer un animal présumé aussi peu intelligent, qui rumine bêtement en vous regardant de ses yeux ternes ? La perspective de l'Hindou est totalement différente. Sur un plan simplement pratique, la vache, ou plus globalement le bovin, est d'une utilité extrême dans une économie encore très rurale. Même mal nourrie, elle fait preuve d'une rusticité étonnante. Elle fournit du lait à la famille.

Le réseau coopératif de collecte et de vente de lait s'est développé en Inde depuis des décennies, même dans des régions reculées. On peut voir sur les routes des vélos et des motos avec leurs bidons, collectant les surplus de production des petits paysans. Bien entendu, de grosses unités de production laitière existent également aux abords des grandes villes.

Les bovins fournissent aussi un travail appréciable dans les travaux des champs ou en tirant les charrettes qui acheminent les produits locaux vers les marchés.

Sa bouse, mélangée à de la paille séchée, confectionnée en galettes plates séchées au soleil, fournit un combustible lent adapté à la cuisson longue des aliments. Dans un pays très peuplé où les forêts ont régressé de façon considérable et où les ressources en bois sont donc insuffisantes, cet appoint énergétique est essentiel. Une partie de ces galettes est employée comme engrais naturel sur les cultures maraîchères.

Et, surprise, l'urine de la vache, utilisée depuis longtemps pour désinfecter les sols des maisons à la campagne, ainsi qu'en shampooing pour exterminer les parasites, s'est vu reconnaître officiellement des propriétés inattendues. En effet, des recherches ont établi qu'un distillat d'urine de vache renforce les effets d'antibiotiques et de fongicides permettant ainsi d'en diminuer les doses prescrites et allégeant du même coup leurs effets secondaires nocifs. Un brevet a été déposé aux Etats Unis. Cette avancée scientifique tend ainsi à valider l'emploi traditionnel de l'urine de vache ou d'autres animaux en thérapie ayurvédique.

En revanche, c'est peut-être aller un peu loin que de commercialiser, comme le fait une organisation Hindoue intégriste, de l'urine de vache en bouteille comme traitement de maux divers allant des maladies du foie à l'obésité et même au cancer...

Cependant, cette utilité de la vache ne suffit pas à expliquer pourquoi elle est sacrée. Elle joue en effet un rôle essentiel dans la mythologie : Au commencement des Temps, les Dieux et les Démons se réunirent et décidèrent d'un commun accord de baratter l'Océan de Lait Primordial afin d'en extraire le Nectar d'Immortalité (Amrita) qui assurerait leur primauté définitive. Comme baratte, ils choisirent le Mont Meru, demeure des Dieux, et le posèrent sur le dos de Kûrma, la Tortue (le deuxième avatar du dieu Vishnu). Ils demandèrent au grand serpent Vasuki d’être la corde de la baratte. Les Dieux se groupèrent d'un côté de la corde, les Démons de l'autre, et ils commencèrent le barattage. Des merveilles apparurent alors dans l'Océan de Lait, dont le fameux nectar d'immortalité. Les Dieux s'en emparèrent après une lutte féroce contre les démons, mais ceci est autre histoire...

Parmi les merveilles, sortit de l'Océan une vache miraculeuse dont le corps contenait tous les dieux : Kamadhenu, la vache céleste, dont les pis généreux fournissaient du lait en abondance à toute l'humanité.

Le visiteur sera surpris de voir, dans les villes de l'Inde, les vaches déambuler librement. Ce ne sont pas des vaches errantes. Chacune appartient à une famille. Le soir, elles rentrent au domicile ou, si ce n'est pas possible, elles restent groupées dans un angle de rue. Elles débarrassent les marchés des débris végétaux et contribuent ainsi au nettoyage des villes. Là où elles sont parquées, il n'est pas rare de voir une femme vendre des poignées d'herbe fraîche que des passants achètent pour les leur offrir. Cet acte est considéré comme méritoire et porteur de bon karma. Une vache dans la rue n'est jamais maltraitée, même si elle bloque la circulation. Ces animaux placides ne s'énervent pas, même au milieu des klaxons et de la circulation la plus démentielle. Parmi les diverses races qui coexistent, les vaches à bosse sont les plus belles : doux pelage et regard en amande... Dans certaines régions du sud, leurs cornes sont peintes de vives couleurs : rouge, jaune, bleu,...

Dans une ruelle étroite, elles vont leur chemin et c'est à vous de vous garer.

La plupart des hindous sont végétariens. Certains mangent du poulet et des oeufs, mais jamais de viande de boeuf. Il parait que dans un lointain passé, il n'en était pas ainsi. Seuls les Brahmanes, pour des raisons de pureté rituelle, ne consommaient pas de viande. Cette pratique s'est progressivement étendue aux différentes castes. Evidemment, les Musulmans, qui constituent 12% de la population, mangent de la viande (excepté le porc). On sait aussi que des bovins sur pied sont exportés discrètement vers le Pakistan carnivore voisin. Ces activités sont très mal vues dans les milieux des Brahmanes orthodoxes. Périodiquement, des pétitions intégristes demandent au Gouvernement d'interdire l'abattage des bovins sur le territoire (pratiqué par des Musulmans et des Chrétiens), sans succès jusqu'à présent. On rappellera qu'en 1857, les soldats qui servaient la britannique et très coloniale Compagnie des Indes (Cipayes) furent à l'origine d'un énorme soulèvement national contre l'occupant. Pour amorcer les cartouches dont ils se servaient, ils devaient en effet arracher avec les dents un carton enduit de graisse de boeuf et de porc. Hindous et Musulmans refusèrent d'obéir. En 1943, au Bengale, une famine tua des millions de personnes qui préférèrent mourir que de manger du boeuf. Pour la petite histoire, cette famine eut pour origine le refus du Gouverneur britannique de distribuer une partie des stocks de grains dont les silos étaient pleins, au motif qu'on pouvait craindre une pénurie.

Dans la société Hindoue, les professions liées au commerce de la viande, à l'équarrissage des peaux, au travail du cuir, sont réservés à des Intouchables.

Le respect de la vache qui nous frappe tant n'est, en fait, que l'une des manifestations de l'attitude de l'Hindou envers tous les êtres vivants : humains, animaux, végétaux (surtout les arbres) et même minéraux. En effet, la présence divine est immanente en toutes choses. Tout ce qui nous entoure porte témoignage de l'Omnipotence de dieu. Cette croyance bien ancrée modèle le sens moral et le comportement individuel. C'est peut-être pourquoi on peut observer qu'en Inde les animaux s'approchent plus près des êtres humains, car ils ne les craignent pas et c'est encore ici qu'existent des hospices pour vaches âgées.

Des économistes formés à la pensée rationnelle sont effarés par la très faible productivité du cheptel bovin indien. A quoi sert, disent-ils, de conserver tous ces animaux efflanqués ? Pour un Hindou, cette remarque est aussi incongrue que celle qui conseillerait d'abattre tous les miséreux et paysans squelettiques qui accablent l'Inde. L'interdépendance de tout ce qui est vivant constitue l'un des fondements de l'Hindouisme. La rationalité économique ne peut que s'y casser les dents.

Evolution des relations entre les Européens et l'Hindouisme

Lorsque les Européens commencèrent à fréquenter les Indiens pour des raisons commerciales, ils emmenèrent avec eux des hommes de religion (Jésuites et autres) qui furent offusqués des expressions imagées de ce qui leur apparaissait, au mieux comme une religion de barbares, au pire comme un paganisme diabolique. Les Portugais, en particulier, s'illustrèrent par des conversions violentes. Le plus sinistre est qu'ils rencontrèrent au Kerala un christianisme autochtone très ancien, de rite syriaque, et qu'ils le persécutèrent avec une égale vigueur. Les conquistadores, qui étaient, eux, les vrais barbares, tels Vasco de Gama et Albuquerque, laissèrent de lourdes traces de leurs exactions... mais l'hindouisme survit. Ceci se passait aux 16ème et 17ême siècles et n'atteignit jamais que les franges littorales du pays.

Au cours des siècles suivants, Portugais, Hollandais, Français et Anglais se firent la guerre dans diverses régions de l'Inde du Sud. On sait qu'il en résulta la prééminence anglaise et la main-mise par une compagnie privée britannique, la Compagnie des Indes, sur le commerce d'exportation indien, et bientôt sur l'administration d'une grande partie du territoire. La compréhension de la religion autochtone par ces colonisateurs ne dépassa jamais, hormis quelques esprits éclairés, un mépris amusé. A l'évidence, les "natives" ne pouvaient pas professer autre chose qu'un amalgame de superstitions stupides.

Il faut attendre pratiquement la fin du 18ème siècle pour que le regard de l'intelligentzia occidentale sur le monde indien commence à bouger. Vint d'abord, avec les premières traductions du sanscrit, une connaissance encore fragmentaire des textes des Veda. Les poètes romantiques français et allemands s'enthousiasmèrent pour la culture antique de l'Inde. Tout vient de l'Inde, disait-on. Puis, quelques décennies plus tard, le mouvement s'inversa : on s'ingénia à dénigrer et à trouver barbare ce que l'on avait dit être sublime. C'est dans ce contexte que le mythe Aryen prit naissance. En gros, on inventa, sans quasiment pas le début d'une preuve archéologique, un mythe selon lequel des populations nomades ou semi-nomades venues d'Asie Centrale auraient envahi le nord-ouest de l'Inde, détruisant la civilisation autochtone (civilisation de l'Indus, marquée par les cités de Mohenjo Daro et d'Harappa, dont la datation indique environ 3000 avant notre ère). Ces populations d'envahisseurs, auxquelles on donna le nom d'Aryens, auraient apporté avec elles, la religion des Veda et la langue sanscrite. Cette thèse connut un succès fulgurant, à tel point qu'elle demeure encore largement prédominante bien que de nombreux éléments l'infirment.

Accessoirement, si l'on peut dire, on notera que la thèse des Aryens a nourri le Nazisme du mythe d'une soit-disant "race blanche" supérieure.

 

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