La femme en Inde

 

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La société indienne est patriarcale. Les hommes et, en particulier le père ou l'aîné de la famille, détiennent l'autorité morale et économique. Il serait cependant caricatural de ne voir en la femme indienne qu'une servante soumise.

Dès son plus jeune âge, la petite fille est formée par sa mère et toutes les femmes de la maisonnée, à son futur rôle de mère et d'épouse. Elle participe aux tâches ménagères (dans les campagnes collecte du bois, de l'eau, etc...). Elle s'occupe des enfants cadets. Le souci obsessionnel des parents sera de la marier sans tarder, bien que le mariage des jeunes enfants soit interdit de longue date. Lorsqu'il était pratiqué, la jeune mariée retournait d'ailleurs sous le toit de ses parents jusque ce qu'elle soit nubile. Actuellement, le mariage est autorisé à partir de 18 ans pour les filles et de 21 ans pour les garçons.

Dans l'immense majorité des cas, les mariages sont arrangés par les parents. Ils entreprennent, seuls ou avec l'aide de personnes appointées (guru de la famille, entremetteuse, agence matrimoniale, petites annonces) la recherche du conjoint adéquat. Celui-ci doit être de caste identique ou similaire et présenter des garanties d'avenir.

La scolarisation des filles est en retard par rapport à celle des garçons. Pour l'ensemble de l'Inde, les femmes sont scolarisées à 39,4% et les hommes 64,1% (Recensement 2001). Ce chiffre déjà défavorable recouvre de fortes disparités : si elles sont scolarisées à 86,2% au Kerala (93,6% pour les hommes), elles ne le sont qu’à 20,4% au Rajasthan (55,0% pour les hommes). L'idée qu'une femme puisse avoir un travail indépendant bien rémunéré progresse mais elle est relativement récente et urbaine (64% des femmes sont scolarisées dans les villes à l'échelle du pays). Les filles scolarisées dans les campagnes arrêtent l'école très tôt pour retourner aux travaux ménagers et des champs.

La dot des filles est, en principe, interdite par la loi. Elle est cependant toujours d'actualité et pèse lourdement sur les finances des parents. Quand ce sont de petits agriculteurs, il est fréquent qu'ils s'endettent pour des années auprès de l'usurier local. Qu'advienne une succession de mauvaises récoltes et l'impossibilité de rembourser intérêts et capital entraînera trop souvent la perte du seul bien de la famille, à savoir le lopin de terre qui la fait vivre.

En effet, les exigences des familles de garçons sont d'autant plus exorbitantes que la future épouse est peu éduquée ou a la peau sombre. Les biens de consommation : scooter, télévision, machine à laver, etc... constituent autant de requêtes hors de portée des gens modestes. Les dots non payées intégralement peuvent générer des drames dans des familles avides : la jeune femme sera maltraitée, battue et parfois même arrosée d'essence dans la cuisine pour y être brûlée vive !! Les journaux rapportent périodiquement ce genre de drame.

Une fois mariée, la jeune femme réside avec son mari sous le toit de ses beaux-parents. La famille traditionnelle, dite élargie, peut ainsi comporter trois ou quatre générations sous le même toit, soit plusieurs dizaines de personnes. Les femmes y sont soumises à l'autorité de la belle-mère qui, seule, détient les clés des provisions et règle dans les moindres détails la bonne marche de la maisonnée. Les prescriptions relatives à la préparation des repas et aux rites de purification sont aussi sous son autorité.

Soumise à sa belle-mère, la jeune femme l'est également à son mari auquel elle doit respect et obéissance. Les films indiens sont le reflet de cette vertu féminine qui va jusqu'au pardon inconditionnel de l'époux infidèle. Si un homme trompe sa femme, la première réaction de celle-ci sera de se demander :"Qu'ai-je fait de mal pour qu'un pareil malheur arrive ?".

Dès qu'elle a un enfant mâle, la jeune femme voit son statut changer de façon de façon sensible. Elle a contribué à la continuité de la lignée. Respectée, elle restera toujours quand même sous l'autorité et la protection des hommes de la famille. En revanche, elle est souveraine dans son domaine : éducation des enfants jusqu'à l'upanayana vers 11-12 ans, la cuisine, les rituels religieux familiaux quotidiens qu'elle accomplit seule ou avec son mari. Plus elle avance en âge, plus son emprise sur la maisonnée est grande.

La dépendance morale et économique envers les hommes rend le veuvage particulièrement difficile. En théorie, une veuve n'a plus de rôle social. Vêtue de blanc, elle ne doit plus porter de bijoux. Si elle n'est pas prise en charge par l'un de ses fils, sa situation est précaire. C'est pourquoi de nombreuses associations ont pour rôle principal d'aider les veuves dans le besoin. Autrefois, dans les classes supérieures, il était même recommandé que la veuve ne survive pas à son mari et s'immole sur son bûcher funéraire. Cette coutume, appelée Sati, a pris naissance chez les Kshatriya au cours des luttes contre les invasions musulmanes, c'est à dire après le 12ème siècle. Les Sati étaient considérées par les gens comme des saintes. Des stèles de pierre ou des empreintes de mains sur les murs portent témoignage de cette ferveur populaire. La coutume se développa et s'étendit à d'autres castes. Elle fut interdite dès 1829 sous l'occupation coloniale, par les Britanniques, sous la pression d'intellectuels hindous modernistes. Mais elle se poursuivit clandestinement, certaines Sati n'étant pas volontaires. Il semble que de nos jours, cette coutume soit enfin (presque) abolie.

Une autre coutume est celle du purdah, ou claustration des femmes (purdah désigne aussi le voile qu'elles portent en public). Le purdah a pris naissance également à l'ouest du pays, au Rajasthan, et pour les mêmes raisons que le Sati, afin de protéger les femmes des envahisseurs musulmans et plus généralement de la concupiscence masculine. Le purdah s'est d'autant plus aisément installé que les musulmans procédaient de même. Ainsi le zenana, quartier réservé aux femmes dans la maison ou le palais, gardé par des eunuques, correspond exactement à la notion de harem. Le purdah s'est donc développé et étendu aux commerçants bourgeois. Les paysannes que l'on voit aujourd'hui porter un voile dans les campagnes ne se cloîtrent pas mais protègent leur visage contre le regard inquisiteur et contre le vent brûlant et asséchant. Le purdah reste cependant limité au nord de l'Inde.

La femme moderne qui a reçu une éducation supérieure et vit dans les villes a, bien entendu, tendance à rejeter ces contraintes de la société patriarcale. La dimension réduite des appartements (l'immobilier coûte cher) disloque les structures de la famille élargie. Les liens familiaux restent néanmoins très puissants mais leurs effets se font moins sentir dans la vie de tous les jours. Le jeune couple garde des obligations morales et financières vis à vis des parents et des frères et soeurs mais mène sa vie quotidienne comme il l'entend. La femme moderne travaille, a le droit d'ouvrir un compte en banque séparé. La loi lui reconnaît droit à une part d'héritage. Cette dernière disposition est cependant rarement appliquée et les recours en justice sont difficiles et aléatoires. Selon la tradition, c'est le fils aîné qui hérite, évitant ainsi la dispersion des biens, surtout de la terre.

En ville, se produisent plus facilement et plus fréquemment des mariages inter castes, voire avec des étrangers. Mais si les parents ont des conceptions traditionnelles rigides, de tels mariages sont considérés comme des mésalliances pouvant entraîner la rupture des relations. Le mariage arrangé reste toutefois la norme, même en milieu urbain. Les futurs époux peuvent se rencontrer, et la jeune femme a la possibilité de récuser un garçon qui ne lui plaît pas. Le mariage d'amour à l'occidentale est donc exceptionnel. Le succès médiatique de la Saint Valentin (à cette occasion fleurissent d'innombrables cartes de voeux) traduit certainement les aspirations de nombreux jeunes, mais n'a aucun impact sur les pratiques sociales réelles.

Les femmes jouent un rôle considérable dans la vie politique et leur présence numérique dans les partis et les instances gouvernementales (9% de femmes au Parlement fédéral) ce qui n'est pas si mal par rapport à la France (11% en 2002), qui est cependant à l'avant-dernière position dans l'Union Européenne). Le divorce, autorisé par la loi depuis 1955, reste rare, les femmes n'ayant que rarement l'indépendance économique et restant soumises aux pressions familiales. Qu'une femme divorce est un déshonneur pour sa famille qui devient la risée du village. Réfugiée par défaut sous le toit de ses parents, s'ils l'acceptent (car ils lui devront alors nourriture et protection), elle n'a aucune perspective de remariage. La loi reconnaît à la divorcée une pension de 20% des revenus du mari, mais cette disposition est inappliquée dans la plupart des cas. Une décision récente de la Haute Cour de Justice de porter ce pourcentage à 50 le serait encore plus, mais montre que les autorités sont conscientes des problèmes économiques que rencontrent ces femmes.

 

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