Chapitre Shiva

Les vingt cinq Mâheshvara mûrti

 

 Ardhanârîshvara
 Bhikshâtana
 Chakra Prada
 Chandêshânugraha
 Chandrashêkhara
 Dakshinâmûrti
 Ekapâda
 Gajamukhânugraha (Vighnêshânugraha)
 Gajasamhâra mûrti (Mâtangâri)
 Jalandharâri
 Kâlâri
 Kalyânasundara
 Kâmâri
 Kankâla
 Kirâta
 Lingôdbhava
 
 Nâtarâja
 Nîlakantha
 Saha Umâ Skanda (Sômâskanda)
 Shankara Nârâyana
 Tripurântaka
 Umâmahêshvara
 Umâsahita-mûrti
 Vîrabhadra(Karâla)
 Vrishabhârûdha ou Vrishavahâna

 

 

Ardhanârîshvara  
Images d'Ardhanârîshvara

Ardhanârîshvara est le Shiva androgyne. On invoque plusieurs légendes concernant cette androgynie de Shiva.

Un Sage du nom de Bhringi se consacrait totalement à l'adoration de Shiva. Mais il oubliait du coup, d'inclure Pârvatî dans le rite. La déesse en conçut du ressentiment. Pour apaiser sa juste colère, Shiva décida de s'unir à elle si étroitement qu'on ne pourrait plus les dissocier car ils formeraient un seul être. Cet accord parfait du couple divin symbolise l'Union de l'Esprit (Purusha = Shiva) et de la Matière (Prakriti = Shakti).

Une variante rapporte qu'au commencement du Monde, alors que Brahmâ s'employait au difficile exercice de la création, apparut soudainement un être incroyable, mi-homme mi-femme. Brahmâ fut effrayé de cette créature et il lui demanda de se scinder en deux, ce qu'elle fit. L'être hermaphrodite était en fait Rudra, sous une forme dite Ardhanârishvara, c'est à dire "Le Seigneur moitié femme".

L'image se présente comme suit :

 La partie droite, masculine, présente tous les aspects de Shiva. De teinte claire, pourvu d'un chignon de mèches (jatâmakuta) abritant la Lune ou des nattes, il a deux bras dont l'un tenant une hache et l'autre posé sur le dos du taureau Nandi. Cette moitié, vêtue de rouge ou d'une peau d'animal (éléphant ou tigre), porte des serpents.

 La moitié féminine, sur la gauche, a le teint foncé; elle porte une haute coiffe (karandamakuta) et n'a pas de troisième oeil (contrairement à Shiva). Son bras unique tient un lotus fermé près de sa poitrine; son sein est recouvert d'un tissu léger et elle porte des ornements précieux.

L'image est globalement placée sur un socle en forme de lotus et le taureau sacré, Nandi, s'y tient derrière.

La forme hermaphrodite de Shiva, Ardhanârishvara ou Ardhanâri est à mettre en relation avec la conception de la doctrine shâkta, selon laquelle Shiva n’est en mesure d’assumer ses fonctions divines que lorsqu’il interagit avec Shakti. L’idée de représenter un ornement masculin dans le lobe droit de l’oreille de Shiva et un ornement féminin dans son oreille gauche, déjà, doit être imputée à la croyance en l’inséparable union des éléments masculins et féminins chez le Créateur. La conception artistique d’une idée au départ purement philosophique a abouti à une image dans laquelle la moitié gauche représente le féminin (Pârvatî) et la moitié droite le masculin (Shiva). De même, les détails des bijoux font-ils aussi la distinction jusque dans le plus petit détail. Le vêtement de peau de tigre de Shiva, qui descend jusqu’à son genou, fait place à gauche à un fin tissu brodé convenable pour la déesse Pârvatî, tombant jusqu’à ses chevilles. Des quatre mains, les deux de droite tiennent la première une hachette alors que la seconde est en abhaya mudra. Les deux mains de gauche, joliment parées de bracelets divers, portent en haut une fleur mais celle du bas descend nonchalamment jusqu’à la taille.

Bien que cette forme de Shiva soit fréquemment représentée, elle n'est que rarement l'objet d'un culte. Un des lieux de culte est le temple de Nageshvarasvami à Kumbakonam.

Bhikshâtana  
Images de Bhikshâtana

Bhikshâtana est la forme du Shiva mendiant. Il est représenté portant un bol à aumônes, et mendiant pour que les âmes individuelles se joignent à Lui.

Quand Shiva coupa la cinquième tête de Brahmâ, il commit, de ce fait, une grave faute qui nécessitait expiation. Très curieusement, le crâne de la tête coupée alla se placer dans la main de Shiva et rien ne put l'en enlever. Pour se débarrasser de sa faute, ainsi que de ce crâne accusateur, Shiva dut errer sous la forme d'un moine-mendiant nu, jusqu'à ce qu'il atteigne un lieu, nommé Brahmâ-kapalam (le crâne de Brahmâ), sur les pentes des Himalaya, où sa faute lui fut enfin pardonnée. Et le crâne de Brahmâ tomba à terre, de son plein gré...

L'ascète errant s'en vint un jour dans la forêt de Dârukâvana éprouver la patience et la dévotion d'ermites rendus orgueilleux par leur savoir, ainsi que la fidélité de leurs femmes, trop fières de leur chasteté. Il prit un corps nu magnifique et s'avança pour les tenter. En même temps, Vishnu survint et prit la forme de la superbe déesse Mohinî pour éprouver les Sages eux-mêmes. C'est pourquoi l'image de Mohinî est souvent placée proche de celle de Bhikshâtana dans les temples.

Les Sages firent face au problème par la magie. Un feu sacrificiel leur permit d'obtenir une hache, une gazelle, des serpents et un trident. Tour à tour, ils lancèrent ces armes contre Shiva. Mais Shiva s'empara de ces armes et se les appropria. De même, les ermites firent-ils émerger du feu le démon Apasmâra, mais Shiva le terrassa. A la fin, les ermites reconnurent Shiva et lui rendirent grâce.

La forme de Shiva mendiant porte des serpents en ornements, ainsi que le trident et la hache. Une gazelle et le démon Apasmâra l'accompagnent. Shiva a trois yeux, le regard paisible, le teint foncé, des yeux rouges et quatre bras. Son corps est parfaitement proportionné. Parfois, il tient un tambour damaru, de l'herbe fraîche, le trident et un crâne. Une gazelle à son coté, mange de l'herbe dans sa main. Shiva est nu et figure sur un socle de lotus.

Une description plus détaillée précise que l'extrémité de la main droite inférieure touche la bouche d'une antilope, la main droite supérieure porte le damaru. Un trident, décoré de plumes de paon (pas toujours) ou une grosse brassée de ces plumes placées en travers sur l'épaule, occupe le bras gauche supérieur, alors que le bras gauche inférieur montre le geste du varada mudra, ou bien tient un crâne (kapâla). Un serpent lui tient lieu de ceinture et il porte des sandales. La jambe droite est légèrement pliée (kunchita), mais la gauche a la position de quelqu'un qui s'apprête à marcher. Au-dessus du coude droit, une cloche est attachée : elle a pour but de signaler l'approche du mendiant divin. Un démon du nom de Kundôdara, aux dents proéminentes, se tient à la gauche du dieu, portant sur sa tête un bol à aumônes.

Cette forme de Shiva n'est pas très fréquemment représentée. On la voit, par exemple, aux temples de Valuvûr et de Tiruttupaippûndi, non loin de Tanjore et à Perur où Bhikshâtanamûrti a huit bras dont les mains portent diverses armes. Un autre image de Bhikshâtanamûrti peut être admirée au mur sud du grand temple de Tanjore. En fait, on sait que sous cette forme, Shiva peut avoir quatre, six ou huit bras.

Chakra prada

Ou Chakradâna-mûrti.

Chakrapada est la forme de Shiva qui fait don du disque (chakra).

Mahâvishnu voulait obtenir que Shiva lui accorde la possession du disque (chakra) Sudarshana comme arme, afin de protéger le monde, et l'on sait que la préservation du Monde est du ressort de Vishnu. A cet effet, il honora Shiva en récitant continûment ses mille noms et en offrant une fleur pour chaque nom. Pendant sa pûjâ, Vishnu s’aperçut qu’il lui manquait la dernière des mille fleurs. Il arracha alors l'un de ses yeux et l'offrit avec le dernier nom en remplacement de la fleur. Satisfait de cette dévotion, le Seigneur lui donna le disque sacré. C’est alors que Vishnu prit le nom d'"œil de lotus" (padmaksha).

C'est ainsi que Shiva est vénéré sous cette forme de "Donneur du disque". Son image est assise, la jambe pliée et couchée sur le trône, la droite restant pendante. Shiva a quatre bras, il tient, à droite, la hache et le disque, à gauche la gazelle, la dernière main faisant le geste du don (varada mudra). A gauche, est représenté Vishnu les mains jointes, offrant son oeil après les lotus. Gaurî et Brahmâ sont également présents. L'image est entourée d'un cercle de lumière.

Chandêshânugraha

Parmi les saints dévots de Shiva qu'honore la mémoire tamoule, une place spéciale est réservée à Chandeshvara ou Chandikeshvara, dont l'importance est si grande qu'il fut divinisé. Chandeshvara est donc l’un des 63 saints (Nayanmar). Il est l’un des chefs des Gana de Shiva. Assis à la gauche du Seigneur Shiva, les dernières offrandes des pûjâ lui sont adressées.

Il était une fois un enfant du nom de Vichârasharman connu de tous pour sa douceur et sa dévotion envers Shiva. Un jour, en allant vers les champs, il vit un berger (on dit parfois que ce berger était son père) en train de maltraiter les vaches dont il avait la charge. L'enfant proposa de garder le troupeau, ce dont les propriétaires furent d'accord. Il amenait les animaux dès le matin aux pâturages puis s’asseyait en méditation. En fin d’après-midi, il les ramenait à leur étable. Sous sa conduite, les vaches commencèrent à produire davantage de lait. Lorsque Chandeshvara s’asseyait pour prier le Tout-Puissant, elles venaient près de lui et donnaient leur lait de leur plein gré. Il utilisait une partie de ce lait qui coulait spontanément de leurs pis pour oindre et ondoyer le Lingam, le symbole du dieu Shiva, qu’il avait fait avec de la terre et qu’il honorait ainsi. Certains des propriétaires des vaches, mécontents de voir une partie du lait leur échapper, se plaignirent au père du jeune garçon, qui vint se rendre compte de ce qu'il en était. Ce père était sans doute un mauvais homme car il se mit à battre son fils et même, vilaine action, à donner un coup de pied dans le Lingam. Le fils, révolté, se précipita sur un bâton, qui se transforma instantanément et miraculeusement en hache, et coupa d'un seul coup la jambe sacrilège !

Shiva apparut alors devant le jeune garçon et, heureux de le voir si dévoué à sa cause, l'éleva au rang divin et le récompensa en faisant de lui son majordome et en lui donnant le nom de Chandesha (ou Chandeshvara), ce qui signifie le Violent Seigneur. Puis Shiva rendit son pied au père.

Shiva est ainsi représenté sous la forme de Chandeshvarânugraha, "La grâce accordée à Chandeshvara"; il est assis et donne sa bénédiction au jeune saint en déposant une guirlande sur sa tête.

On trouve parfois cette représentations dans les temples du Tamil Nadu, à Gangaikondacholapuram (Tamil Nadu), par exemple. Shiva, assis en sukhasana, la posture confortable, sur un piédestal, comme dans les représentations de Somâskanda, a le pied gauche pendant et reposant sur un tabouret. La déesse Pârvatî, elle aussi, est assise à sa gauche sur le même piédestal, la jambe droite relevée et posée sur le piédestal, et la gauche reposant au sol sur un autre tabouret. Shiva a quatre bras. De ses deux mains supérieures, il porte la hache et le daim, alors que des mains du bas, on le voit décorant d’une guirlande de fleurs la chevelure de son dévot Chandesha. Chandesha est assis au sol, au pied de Shiva, jambes croisées et mains jointes; il reçoit le don divin avec gratitude. Les personnages sont magnifiquement parés. Au-dessus, on voit des dieux et des demi-dieux voletant dans les airs; ils se sont rassemblés pour contempler la bonté de Shiva envers son dévot.

Sur le gopuram oriental du temple de Shiva Nâtarâja à Chidambaram (Tamil Nadu), Chandêshânugrahamûrti est accompagné de Chandêsha tenant une hache entre ses bras croisés.
Images du Saint Chandeshvar

Chandrashêkhara

Chandrashekara est la forme de Shiva portant la Lune dans sa coiffe.

Le roi-Rishi Daksha avait vingt sept étoiles comme filles. Toutes étaient mariées à Chandra (la Lune, dieu masculin). Mais Chandra était particulièrement attiré par Rohinî. Aussi, toutes les autres épouses, jalouses, se plaignirent-elles à Daksha qui, mécontent, jeta un sort funeste sur son gendre Chandra. L'éclat de l'astre des nuits commença à décliner inexorablement. Jour après jour, sa lumière diminua, exactement d'un seizième. Chandra courut alors se réfugier auprès de Shiva et implora son aide. Le Tout-Puissant le prit sous sa protection et le plaça dans sa chevelure. Puis il atténua les effets de la malédiction, en sorte que la Lune s'accroisse pendant quinze jours puis décroisse les quinze jours suivants. Ainsi, Chandrashekara est-il considéré comme "Celui qui accorde son refuge".

Chandrashêkharamûrti (le Seigneur au Croissant de Lune) fait l’objet de deux représentations différentes, seul ou accompagné de la déesse Gaurî.

Seul, il se tient debout fermement sur un piédestal, les pieds au même niveau (samapâda), portant l’antilope et le damaru (ou une hache) dans ses mains supérieures, alors que celles du bas sont en abhaya et varada mudra. Shiva est représenté ici avec trois yeux. Le croissant de lune orne le côté droit du chignon de mèches; ses oreilles portent des ornements en forme de monstres marins (makara) et de feuilles. Sur sa jambe, au-dessus du genou, est attachée une cloche. Il est vêtu d'une peau de lion et porte le cordon sacré. Ses membres portent des bracelets et anneaux.

Lorsque la déesse l’accompagne, placée à son côté, Chandrashêkhara peut être soit debout, soit assis. La main inférieure droite est en abhaya mudra, la gauche enlace la déesse et touche ses seins, ou seulement son épaule gauche. La hache et le daim des mains supérieures peuvent être remplacés par le trident et le damaru.

La déesse est sensiblement plus petite que Shiva et lui arrive à hauteur de poitrine. Ses oreilles sont allongées; son corps est quelque peu penché sur la gauche et son bras gauche est pendant. Elle enlace aussi son époux de son bras droit, se posant sur sa taille. Sa main gauche montre une fleur. Dans d’autres cas, elle passe sa main par dessus l’épaule de Shiva.

Ces images de Chandrashêkhara sont nommées Âlinganamûrti lorsque le dieu et/ou la déesse s’enlacent. On les appelle aussi Pradôshamûrti, car dans tous les temples bien organisés de Shiva, cette image est emmenée en procession en fin de journée (pradôsha).

Chandrashekhara-mûrti est peu différent de Umâmaheshvara-mûrti, mais la présence de la lune dans les cheveux de Shiva permet de bien faire la différence. Le croissant de Lune décore son jatâmakuta, soit à gauche, soit à droite.

Dakshinâmûrti  
Images de Dakshinâmûrti

Dakshinâmûrti, "Le Seigneur qui regarde vers le sud" est le nom de Shiva en tant qu'instructeur. Sous cet aspect, Shiva est le grand maître de la musique, du Yoga, du savoir et des Shastra. C'est une manifestation tangible de la pensée de Shiva, une personnalisation de la Connaissance et de l'intellect. On le représente de couleur blanche, tenant un serpent dans une de ses mains droites, une flamme et le livre des Veda dans ses mains gauches.

Selon la légende, les quatre Rishi fils de Brahmâ, Sanaka, Sanandana, Sanatana, Sanatkumara, ayant accompli de sévères ascèses, se rendirent auprès du Seigneur Shiva pour quérir la connaissance de la Vérité. Le Seigneur s’assit sous un banyan, en posture de méditation yogique, sans prononcer un mot. Les quatre Sages s’assirent également, trouvèrent la Vérité et méditèrent sur Elle. Ceci explique que la Vérité ne peut être exprimée en mots et doit être expérimentée. La posture de Shri Dakshinâmûrti, l’Enseignant de tous les Enseignants, comporte le chinmudra, ce qui sous-entend de nombreux enseignements qu’il serait fort long d’expliquer. Selon une parole traditionnelle, la posture du guru est une chose à laquelle il convient de penser sans cesse.

On représente Dakshinâmûrti comme un jeune enseignant, assis sous un banyan, donnant des leçons à des élèves plus âgés que lui et ôtant leurs incertitudes par son silence profond.

La posture générale de l'image de Dakshinâmûrti le montre la jambe droite pliée et verticale, le pied posé sur le corps du démon Apasmâra; la jambe gauche est repliée de façon à reposer sur la cuisse droite. Il a une allure paisible, révélatrice de sa parfaite paix intérieure. Ses cheveux tressés sont parfois échevelés, parfois rassemblés en un jatâmakuta qui les lient ensemble par un serpent. Son corps est barbouillé de cendres et tous les ornements habituels le décorent. Les Sages Nârada, Jamadagni, Vashishtha et Bhrigu sont assis à ses pieds, à droite, pour écouter ses enseignements, tandis que Bharadvâja, Saunaka, Agastya et Bhârvaga sont assis à sa gauche. Le taureau du dieu, les habitants de la forêt, les Kinnara et les autres demi-dieux sont également rassemblés sur le Mont Kailash où le Dieu est assis. Son avant-bras droit esquisse le jnânamudra, le geste de la connaissance philosophique, le bras arrière porte le rosaire; le bras gauche avant fait le geste du varada-mudra ou est librement étendu, le dos de la paume posé sur le genou gauche. Parfois, cette main gauche tient un livre. La main gauche arrière porte la flamme, le daim, le damaru ou le mala.

Lorsque Dakshinâmûrti porte le luth (vina) et change la position de sa jambe gauche, apparemment pour maintenir la vîna en position, on l'appelle Vînâdhara-Dakshinâmûrti. Cette forme variante est le Maître des arts. Il est parfois debout, le corps gracieusement fléchi portant sur la jambe droite. De ses mains antérieures, il pince les cordes d'une imaginaire vînâ. Sous cette forme, Shiva est également le patron des brahmanes d'Inde du sud.

Vyâkhyânadakshinamûrti est une forme de Siva enseignant. Il est assis à l'ombre d'un banyan, détendu, une jambe sur l'autre, exposant la matière des traités aux Rishi qui ensuite les transmettront aux hommes. Un petit lingam est figuré dans sa main droite, ses doigts forment le geste de l'argumentation (vyâkhyâna) ou de l'enseignement. Le bras gauche est en lolahasta. A l'arrière, ses mains tiennent un mala et une torche allumée.

 

Ekapada-mûrti  
Images de Shiva Ekapada-mûrti

Un jour, Shiva dit à Vishnu (sous sa forme de Krishna) et à Brahmâ : "Vous êtes tous les deux produits de mon corps, Brahmâ de mon côté droit, Vishnu de mon côté gauche. Je représente le coeur". Dans ce concept trinitaire, les trois dieux sont considérés comme parties d'un Tout dont Shiva est l'essentiel. C'est de là que découle l'image d'Ekapâdatrimûrti, "Shiva au Triple Corps, avec un seul pied". Shiva apparaît au centre de l'image avec trois yeux, quatre bras, l'air serein, coiffé de son chignon de tresses (jatâmakuta). Il tient la hache, la pique et a des boucles d'oreille faites de perles. Il se tient sur une seule jambe, d'où son nom. Brahmâ et Vishnu sortent de ses hanches de chaque côté. Deux de leurs mains sont jointes; dans les deux autres, Brahmâ tient le vase et la cuillère rituelle, Vishnu la conque et le disque, leurs emblèmes les plus usuels. Ils ont une jambe incorporée dans la jambe commune, une autre repliée et libre. Un grand prabha (halo) entoure l'ensemble des trois dieux.

Ekapada, "Le Seigneur à un seul pied" est donc la forme de Shiva qui rappelle que Brahmâ et Vishnu émanent du Seigneur et, au final, s’immergent dans le Seigneur et l’Unité de dieu.

Ces formes Êkapâdamûrti ou Êkapâda-Trimûrti sont des évolutions tardives du Lingôdbhava. Les dieux Brahmâ et Vishnu, avec des mains jointes et divers symboles caractéristiques, y sont représentés émergeant du corps de Shiva au niveau de sa taille dans l'image de Tiruvottiyûr, ou de l'arrière de son genou, comme dans l'image de Tiruvânaikkâval.

Le Kâranâgama mentionne Êkapâdamûrti comme l'une des formes dynamiques de Shiva et le décrit comme ayant un pied, trois yeux et quatre bras, dans lesquels on peut voir l'aiguillon, le daim et les mudra abhaya et varada. A droite et à gauche de Shiva, touchant pratiquement ses épaules, se trouvent Brahmâ et Vishnu portant leurs armes symboliques de deux de leurs mains et le priant de leurs deux autres mains.

Le pied unique, caractéristique de ces représentations, est placé dans l'image de Tiruvannaikkaval, sur le dos du taureau. Au pied de ce support, à droite, on voit le cygne, véhicule de Brahmâ, et à gauche Garuda, le véhicule de Vishnu, debout ainsi que, peut-être, le Sage Nârada. Il semblerait que Êkapâdamûrti doive être mis en relation avec Ajaikapâda, un nom indiqué dans le Rg Veda pour désigner l'un des Êkâdasa-Rudra.

Gajamukhânugraha

Gajamukhânugraha (Vighnêshânugraha) signifie Bénédiction du Seigneur des Obstacles (Bhogamurti).

Vighnesha est la forme de Connaissance du Seigneur. Sa forme d’éléphant majestueux montre la grandeur de sa connaissance. Pour pratiquer la Pûjâ de Shiva, ou n’importe quelle ascèse, une certaine connaisance est nécessaire. Aussi, en premier, doit-on prier Vighnesha pour écarter notre ignorance ou toute autre perturbation, et pour obtenit la connaissance nécessaire, adresser notre prière au Seigneur. Le Seigneur Shiva créa Vighnesha lorsque les dieux et les dévots le prièrent d’éloigner toutes les perturbations qui pouvaient se produire pendant qu’ils pratiquaient leur culte.

Gajasamhâramûrti  
Images de Gajasamhâramûrti

Cette forme terrible de Shiva, également désignée sous le nom de Gajântaka ou Gajântaka-mûrti, conte la mise à mort du démon-éléphant Gajâsura. On la nomme donc Gajasamhâramûrti (forme -mûrti- de Shiva qui détruit -samhara- (le démon) éléphant -gaja-), ou encore Gajâhamûrti, Gajâri-mûrti ou encore Mâtangâri.

Plusieurs Purâna rapportent comment Shiva tua le démon Nila (Obscurité) qui, un jour, prit la forme d'un éléphant et attaqua Shiva.

Mais le récit le plus complet, et un peu différent, de cette légende, se trouve dans le Shiva Purâna. Gajâsura, le fils de l'Asura Mahisha (qui avait été vaincu et exterminé par Dûrga sous sa forme de Mahishâsuramardinî), plein de haine après la mort de son père, accomplit de sévères austérités qui lui permirent d'obtenir de Brahmâ l'invincibilté. Gajâsura conquit alors les trois mondes, et prit le pouvoir sur les humains comme sur les dieux... Il délogea Indra et s'installa dans son palais où il put jouir de tout le luxe. Il devint arrogant, méprisant, désinvolte envers les préceptes les plus sacrés et maltraita tout le monde, même les Sages. Indra et les autres dieux se réfugièrent auprès de Shiva, le priant de protéger ses fidèles. Shiva engagea alors la bataille avec Gajâsura, le transperçant de son trident et soulevant son corps dans les airs.

Gajâsura chanta alors la gloire de Shiva, clamant que sa mort des mains de Shiva serait sa plus grande joie. Shiva éclata de rire et lui permit d'émettre un voeu. Gajâsura répondit : "O Seigneur Nu, s'il Te plait, prends ma peau, sanctifiée par le feu de ton trident, pour t'en vêtir". Shiva, satisfait de ce sacrifice, accepta et l'Univers redevint normal.

Se tenant le pied droit sur la tête du démon, ses mains en tenant la peau écartée et se vêtant Lui-même de cette peau, portant de terribles armes, et un daim, le geste du don dans les mains, pourvu d’un visage épouvantable, surmonté de son croissant de Lune, avec une Pârvatî au visage effrayé à sa gauche, la main étendue, tel est Shiva tueur du démon-éléphant.

De belles représentations ne sont pas rares au Tamil Nadu. Cette forme de Shiva a le teint rouge, trois yeux, des crocs sortent aux coins de la bouche. Gajasamhâra mûrti a huit mains le plus souvent, parfois quatre, parfois dix. Les deux mains supérieures sont levées haut et portent la peau de l’éléphant dont la queue levée forme comme une sorte d’auréole, tandis que sur les bords de cette auréole on voit pendre les pattes de l’éléphant. La tête de l'éléphant est écrabouillée au sol. Les trois mains de droite portent le trident, le damaru (ou l’épée) et l’aiguillon (ou la défense de l’éléphant). Deux des trois mains de gauche portent la défense (ou un bouclier) et un crâne (kapâla) et la troisième esquisse le vismaya mudra, signe de l’étonnement, ou bien parfois une cloche. La jambe gauche est placée sur la tête de l’éléphant et la droite est levée de façon à atteindre la cuisse gauche.

On recense des représentations à Perur, près de Coimbatore, à Tiruvannamalai, Tanjore (musée), Valuvûr, Tirutturaippûndi et Darasûram qui montrent une position inverse des jambes. Le Dieu a un visage effrayant avec des dents proéminentes; près de lui, se tient la déesse Umâ avec le jeune Skanda à ses côtés. La représentation de Tiruttuaraippûndi a l’une des mains en sûchi mudra (doigt pointé) et possède trois têtes visibles, dix bras et plusieurs accompagnateurs.

Une magnifique image de bronze de Gajasamhâramûrti est vénérée à Vazhuvûr près de Mayiladuturai (Tamil Nadu).

Les spécialistes établissent que l'iconographie, surtout en Inde du sud, fournit maints exemples où Gajasamhâramûrti constitue des formes mixtes, comportant des éléments caractéristiques de la légende d'Andhakâsurasamharamûti, voire de Bhairava. Dans ces cas, la dénomination ne peut plus être très stricte ou bien, ce qui est préférable, elle doit être double : Gajâsura / Andhakâsura-samhâra-mûrti.

Jalandharâri

Jalandharâsura Samhâram ou mise à mort du démon Jalandhara.

Le roi-démon Jalandhar, né de l'océan et doté de nombreux pouvoirs, régnait sur les mondes. Il se maria à Brinda, une femme pieuse, mais s'en vint à convoiter Pârvatî, l'épouse de Shiva. Il commença par chercher querelle aux Deva mais aucun d'entre eux ne se sentait prêt à se mesurer à ce démon. Il se rendit aux séjours célestes de Satyaloka et de Vaikuntha. Là encore, personne n'avait envie de le combattre. Il entendit dire que seul le Seigneur Shiva pourrait lutter avec lui. Il arriva à la montagne du Kailash, le séjour du Grand Dieu. Mais Shiva prit la forme d’un vieil homme et se mit sur son passage, lui demandant où il allait; le démon répondit qu’il venait pour combattre Shiva. Alors, le Seigneur, gardant cet aspect de vieil homme, dessina un disque (chakra) sur le sol et mit le démon au défi de soulever ce disque. Jalandhara s'esclaffa, banda ses muscles et souleva d'un coup le disque au-dessus de sa tête. Mais le disque se fit de plus en plus lourd, en sorte que Jalandhara, ne pouvant plus le porter, le posa sur sa tête. Le disque augmenta encore de poids et coupa en deux le corps du démon.

Ce disque est le Sudarshana chakra que Mahâvishnu reçut du Seigneur Shiva.

Noyé dans le sang, se déplaçant rapidement, pourvu de trois beaux yeux, montrant de ses mains l’abhaya mudra, le damaru, le daim, l’arc, coupant la tête de Jalandhara qui tente d'arracher le disque (chakra) de la terre, tel est Jalandharâri ("L'Ennemi de Jalandhara") Shiva. Le teint rouge, les cheveux longs, tenant un parasol et un bâton, habillé de blanc et le corps enduit de cendres, il porte le cordon sacré et un rosaire. Le démon apparaît à côté de Lui, muni d'un arc et d'une flèche, levant le disque au-dessus de sa tête.

La mise à mort du démon Jalandarâsura est commémorée au temple de Vîratteshvara à Tiruvirkudi (près de Tiruvavur, Tamilnadu).

La veuve de Jalandarâsura repose dans un tombeau (samadhi) à Tiruvirkudi. La légende dit qu'à sa mort, elle prit la forme d'un plant de basilic (tulsi). Contrairement aux autres temples, le tulsi est offert à Shiva à Tiruvirkudi.

Plus tard, Shiva fit don de son disque (chakra) à Vishnu qui, depuis, le porte comme l'un de ses attributs habituels. La légende de Shiva faisant cadeau de son disque cosmique à Vishnu est célébrée à Tiruvîzhimizhalai près de la localité sus-mentionnée, Virkudi, et à Tirumalpur près de Kanchipuram.

Kâlârimûrti ou Kâlântaka-mûrti

La forme de Shiva dite Kâlârimûrti, parfois appelée Kâla Samhâram, ou Kâlahâ ou encore Kâlaharamûrti, le " Destructeur du Dieu de la Mort " se rapporte à l'histoire de Mârkandêya, contée dans les Purana.

Un jour, Mrikandu Munivar pria Shiva et obtint de Lui d'engendrer un fils. Mais il eut le choix entre un fils doué qui vivrait peu de temps sur terre et un sot qui vivrait longtemps. Mrikandu Munivar se prononça pour le premier choix et Mârkandêya naquit, un fils exemplaire destiné à mourir à l'âge de seize ans.

Mârkandêya était un jeune garçon, très dévoué à l’adoration de Shiva. Mais son père se désolait de voir s’approcher l'échéance terrible de la fin de sa courte vie. Markandêya n’en était pas affecté et passait le plus clair de son temps à prier Shiva. Un jour, pendant sa pratique, le dieu de la mort (Kâla), dont la tâche est d’ôter la vie de chacun le jour venu, vint voir le jeune garçon, arborant ses armes, la massue, le nœud coulant, et chevauchant son féroce buffle. Il ne fut pas impressionné ni arrêté par le fait que Mârkandeya était justement en train de prier et, sans hésiter, il lança sur lui son nœud coulant et commença son oeuvre de mort. Le garçon fut effrayé à la vue du terrible dieu et tint fermement pressé entre ses mains le précieux Lingam. Mais en fait, le noeud coulant avait aussi enserré le Shivalingam d'où Shiva surgit tout à coup. Un pied encore posé sur ce Lingam, il frappa de l’autre le dieu la Mort qui avait dépassé ce qu’il était autorisé à faire, le transperça, le vainquit et le tua.

Shiva ramena cependant Yama à la vie, sous la condition que le pieux Mârkandêya vive éternellement.

La légende de Shiva, sous sa forme de Kâla Samhâram, tuant la mort elle-même, est immortalisée dans le métal et vénérée à Tirukkadavur. Ce lieu est celui où des milliers de sexagénaires se rendent pour obtenir de la divinité une longue vie. On trouve assez souvent cette représentation de Shiva dans le sud de l'Inde, par exemple à Ellora.

Sur les représentations de cette scène, la jambe droite de Shiva est posée sur le Lingam, dans la même posture que celle du Nâtarâja, tandis que la gauche, levée, s’appuie sur la poitrine du Kâla vaincu et à terre. Shiva porte un jatâmakuta et montre un visage furieux; ses dents dépassent de sa bouche, il a trois yeux et quatre mains, parfois huit. La main inférieure droite porte le trident pointé vers le bas. L’autre main droite porte une hache tandis que les mains de gauche font le geste de varada (avec un crâne dans la paume) et de vismaya.

Le dieu de la mort a deux bras, des dents proéminentes. Il tient un noeud coulant et il est allongé à plat sur le sol, jambes étendues. A Chandragiri (Andhra Pradesh), une représentation montre Mârkandêya enlaçant le Lingam, le noeud coulant autour du cou, attaqué par le dieu de la mort qui veut le percer d’un trident. Une autre partie de la scène montre Shiva brandissant le trident pour transpercer Kâla terrassé.

A une autre occasion, Shiva sauva également de la mort le roi Shveta.

Kalyâna Sundarâ (mariage de Shiva et Pârvatî)   
Images du mariage de Shiva et Pârvatî

Shakti naquit sous la forme de la déesse Umâ (Pârvatî), la fille du roi des Himalaya. Elle s'éprit de Shiva mais le grand Dieu, plongé dans sa méditation, ne prêtait pas attention à ses charmes. Elle entreprit une ascèse pour mériter de conquérir les faveurs de Shiva. Sortant de sa méditation, Shiva prit la forme d'un ascète errant, s'en vint trouver la déesse et se mit à dire du mal de Shiva. Mais la déesse réfuta ses critiques et Shiva, reconnaissant enfin sa sincérité et son amour, reprit sa forme divine et accepta de devenir son époux. Himalaya, le Père de la déesse, envoya des émissaires pour préparer le mariage qui eut lieu avec beaucoup de pompe, devant tous les dieux réunis. Brahmâ assuma le rôle du prêtre conduisant le sacrifice du Feu (homa).

La forme de Shiva, habillé comme un nouveau marié est appelée Kalyânasundaramûrti ou Vâivâhikamûrti. Shiva y est représenté comme un beau jeune homme à trois yeux et quatre bras, de couleur rouge (sindhûram). On dit quelquefois qu'il a quatre épaules, autant que de Yuga. Il est paré des meilleurs vêtements, de colliers et de bracelets, et porte une guirlande de lis bleus.. A sa droite se tient Pârvatî, sa fiancée et ils se tiennent tous deux par la main droite. Dans les mains supérieures de Shiva sont placés les symboles, l’aiguillon (parfois la hache) et un chevreuil noir. La main gauche inférieure est en varada mudra (geste du don). Ses cheveux nattés sont attachés pour former un jatâmakuta sur lequel on voit le croissant de la Lune. La posture générale de Shiva est ce que l’on appelle samabhanga, c’est à dire légèrement penchée, la jambe droite un peu pliée, cependant que la jambe gauche est fermement posée sur le sol. La déesse, à sa droite, est représentée comme une jeune fille épanouie. Elle a deux bras seulement, dont l’un porte un lotus.

Juste à côté, Brahmâ à quatre bras, tenant le rosaire, le pot à ablutions, la cuillère sacrificielle (shruk) et la petite cuillère (sruva) (ou le livre), est assis sur une fleur de lotus, face à une fosse orientée vers le nord, offrant des oblations au feu sacrificiel qui brûle de cinq flammes.

Mênakâ et Himavat, les parents de la déesse, se tiennent à sa droite, portant un vase d’or, duquel ils versent de l’eau dans les mains de Shiva et de Pârvatî en témoignage de leur accord au mariage de leur fille avec le dieu. Sur la gauche, les sages Sanaka et Sanandana ont les mains jointes. Vishnu est là, lui aussi, avec l’assemblée de tous les Dieux et Déesses. La description complète de Kalyâsundara se trouve sur les murs d’Elephanta. Le Kasyâpasilpa dit que Vishnu, dans la pose tribhanga, fait face au sud et se tient sur le côté nord de l’aire du feu sacrificiel, ses bras supérieurs portant le disque et la conque. De ses deux autres mains, il verse, d’un vase d’or, de l’eau sur les mains de Shiva et Pârvatî. D’autres variantes sont encore recensées. Pârvatî fiancée, dans cette scène, est aussi appelée Svayamvarâ Elle porte une guirlande de fleurs et marche vers Shambu (Shiva), montrant qu’elle le choisit comme mari.

Dans les représentations un peu plus tardive que celles d'Elephanta ou d'Ellora, Vishnu et Lakshmî tiennent le rôle des parents de la fiancée.

On distingue deux types de représentations du mariage de Shiva et de Pârvatî :

 celles, les plus communes, où les fiancés se tiennent par la main pour la première fois : c'est le rituel de pânigrahana
 celles où ils font sept fois le tour du Feu sacré : c'est le rituel de saptapadî.

Kâmâri

Kâmâri est la forme de Shiva qui réduit en cendres Kâma, le dieu de l'amour.

Quand Shakti prit la forme de Pârvatî, fille du roi des Himalaya, elle suivit une ascèse adressée au Seigneur Shiva. En ce temps-là, les grands Sages, les quatre fils de Brahmâ, Sanakar, Sanandanar, Sanatanar et Sanatkumarar se rendirent auprès de Shiva pour trouver l’Illumination. Le Seigneur, sous sa forme de Deva, tracassés par les démons Sûra et Târaka, apprirent que ces démons ne pourraient être exterminés que par un fils né de l'union du Seigneur Shiva et de Shakti.

Ils demandèrent à Kâma de déranger la méditation du Seigneur Shiva avec ses flèches et de faire en sorte qu’il éprouve du désir pour Pârvatî. Kâma refusa, conscient que ce geste lui serait fatal mais les autres dieux le menacèrent de lui jeter une malédiction s’il n’obéissait pas. Se disant qu’il valait mieux être tué par le dieu des dieux que par les malédictions de ces dieux, il se rendit avec sa femme, Ratî, au séjour de Shiva. Le dieu du désir décocha sa flèche de fleur sur le grand Dieu en méditation. Immédiatement, il fut réduit en cendres par le feu jaillissant de l’œil frontal de Shiva qui ne cessa pas pour autant sa méditation. Les flèches du désir ne faillissent jamais, mais elles restèrent inefficaces contre Shiva. Troublés par la mort de Kâma, tous les Deva se rendirent devant le Seigneur et implorèrent son pardon. Le Seigneur leur pardonna, se maria à Pârvatî et donna le jour à Skanda (Kartikeya) pour détruire les démons.

Kâmâri, le dieu hostile à Kâma, est rarement vénéré dans le culte, quoique l'on en connaisse un exemple à Tiruvâdi.

Kankâla mûrti

La forêt de Daruvana, quelque part dans les Himalaya, donnait refuge, à cette époque reculée, à un groupe de Rishi qui élaboraient et étudiaient les Veda. Ils s'étaient totalement dédiés à cette noble et complexe tâche qui mobilisait leur esprit jour et nuit.

Ils semblaient si absorbés que Vishnu et Shiva décidèrent de les soumettre à une épreuve qui devait révéler la profondeur de leur engagement.

A ce moment-là, Shiva errait par les forêts sous sa forme de Kankalamûrti, le Chasseur. En fait, cette errance lui avait été imposée en pénitence de l'agression violente à laquelle il s'était livrée contre Brahmâ en coupant sa cinquième tête. Shiva va donc, le corps nu et couvert de cendres, portant le trident aux pointes duquel est accroché le cadavre du portier du palais de Vishnu. De sa main droite, il agite le petit damaru (tambour à deux faces) des mendiants itinérants, de la gauche, il agrippe la chevelure de la tête coupée. A ses côtés, une biche, de l'autre un personnage féminin présentant une calotte cranienne servant de bol à aumônes.

Sur l'instigation de Shiva, Vishnu prend alors la forme de Mohinî, l'Enchanteresse. Tous deux se rendent de concert dans la forêt. Le son du damaru attire les épouses des Rishi qui veulent donner de la nourriture à cet étrange mendiant. Mais à peine ont-elles posé leur regard sur lui qu'elles sont emplies de désir, malgré leur vertu fameuse. Leurs vêtements tombent d'eux-mêmes...

Quant aux Rishi, ils se retrouvent instantanément sous le charme de la beauté fabuleuse de Mohinî et, abandonnant leurs études et leurs méditations, se précipitent vers elle. Alors Shiva survient. Les Rishi sont hors d'eux et conspuent cet intrus. Forts de leurs pouvoirs magiques, il font apparaître un tigre. L'animal se rue sur Shiva mais le dieu le dépèce en un tournemain et se vêt de sa peau. Les Rishi font surgir un serpent géant mais de son regard, Shiva en fait une parure merveilleuse. Les Rishi provoquent l'apparition d'un nain féroce, Apasmara (c'est en fait le démon de l'épilepsie), mais d'une simple pression de son pied, Shiva le cloue au sol.

Alors, le grand dieu se déploie sous sa forme cosmique de Nâtarâja. Il se met à danser sur le corps du nain et sa danse sublime va détruire l'ignorance. Les Rishi comprennent enfin la vraie nature du moine errant.

Kankâla mûrti est en fait une forme proche de Bhikshâtana et d’apparence presque similaire. Selon le Mayamata, Kankâlamûrti est drapé dans un vêtement léger et entouré de jolies femmes. Dans sa main droite supérieure, il tient les plumes de paon et un squelette (kankâla), et dans la main gauche supérieure l’aiguillon. Un serpent s’enroule autour de ses reins; il porte un couteau dans la ceinture sur son côté droit. Il est souvent accompagné de démons. Des oiseaux et d’autres animaux le suivent, espérant recevoir quelque chose à manger de ses mains.

Selon les sources, la description peut être différente. On dit aussi qu’il a un jatâmakuta décoré de serpents, d'un croissant de lune et de fleurs; il porte le damaru dans la main gauche inférieure et une baguette dans celle de droite correspondante. La main droite montre le mudra simha-karna et touche le museau d’une antilope, cependant que la gauche porte une grosse brassée de plumes de paon liées sur une tige. Son cou s'orne d'un collier de squelettes, ceux de Vishnu et de ses diverses incarnations. Quelquefois, on représente Kankâlamûrti portant sur son épaule un squelette attaché par une corde sur un bâton.

Kirâta

Kirâtârjunamûrti (= Kirâta, "Le Montagnard") est la forme que prit Shiva pour paraître devant Arjuna, l’un des héros du Mahâbhârata, lorsque celui-ci suivit une longue ascèse afin d’obtenir de Shiva une arme puissante qui devait lui permettre de vaincre ses ennemis. Shiva voulut se rendre compte par Lui-même si son dévot Arjuna méritait réellement obtenir Pashupata, cette arme insurpassable, dont il était le possesseur. Dans ce but, Shiva et Pârvatî prirent la forme de chasseurs et, avec leur cortège de démons et de lutins vêtus pour la chasse, lancèrent devant eux un sanglier sauvage qui se précipita pour attaquer Arjuna, alors en pleine ascèse. En fait ce sanglier était le démon Mûka sous un aspect animal.

Arjuna, en guerrier expérimenté, se saisit instantanément de son arc et tua l’animal sur le champ d'une flèche en plein front. Simultanément Shiva, le pseudo-chasseur, lança une autre flèche, mais par l'arrière. Transpercé au même moment par deux flèches, le sanglier expira. Arjuna se moqua du Chasseur qui avait envoyé sa flèche de l’arrière de l’animal et s’emporta contre lui car il lui avait, en quelque sorte, enlevé sa proie. Le Chasseur lui répondit qu’attaquer un animal par l’arrière n’était pas contraire aux lois de la chasse et s’exclama que cette proie était la sienne, demandant à Arjuna comment il avait osé tirer en même temps que lui. Arjuna, le héros de la Race Lunaire, ne pouvait accepter l’insulte venant de ce chasseur à demi-sauvage des bois.

Ils décidèrent d'un combat pour décider qui, des deux, était le plus valeureux et une féroce bagarre s'en suivit. Arjuna fut bien étonné que le chasseur soit un adversaire à la hauteur. Les flèches d’Arjuna, qui ne l’avaient jamais trahies, rataient toutes leur but. Dans l’échange, il arriva même que le Chasseur coupe de sa flèche la corde de l’arc d’Arjuna, furieux et énervé. Arjuna provoqua le chasseur dans une lutte manuelle. Mais bientôt battu à plate couture, Arjuna se retourna vers le Shiva Lingam d’argile qui ne le quittait jamais, et commença à le prier. Stupeur, les fleurs qu’il jetait sur le Lingam allaient se poser sur la personne du chasseur. Arjuna frappa le chasseur à la tête de son puissant arc Gandiva. Soudain, l’arc lui fut mystérieusement arraché des mains et Arjuna se retrouva vaincu d'une simple pichenette du Grand Dieu. Arjuna Le reconnut enfin, implora son pardon, et le Shiva lui offrit l’arme Pashupata tant désirée.

Cette célèbre légende contée dans le Mahabharata est à l'origine de l'image de Shiva Kirâta ("Le Chasseur"). Ses cheveux sont noués en chignon avec des plumes d'oiseau. Son vêtement est une peau d'animal et son teint foncé. Il tient un arc et une flèche. Deux serviteurs se tiennent à ses côtés, Jvâla et Kundodara. Arjuna est représenté tête baissée devant Shiva. A sa gauche est représentée l'Arme Pâshupata. Umâ reste à proximité, tenant un vase (kamandalu). Cette image se trouve parfois dans les temples d'Inde du sud. La forme du chasseur est installée pour le culte dans le temple de Kumbheshvara à Kumbakonam.

Une scène qui se trouve au temple de Pushpagiri (district de Cuddapah) représente la dernière partie de l’histoire, lorsque Shiva et Pârvatî apparaissent devant Arjuna et lui remettent l’Arme. Dans ses mains supérieures, Shiva tient la hache et le trident; sa main droite inférieure porte la flèche Pashupata, la gauche restant posée à la taille. A la gauche de Shiva, se tient la déesse Pârvatî à deux mains, portant à droite une fleur de lotus. Devant eux, Arjuna, reçoit modestement dans ses deux mains le don divin. La figure naine entre Shiva et Arjuna est sans doute l’un des serviteurs de Shiva. Une autre représentation, à Chidambaram, montre Shiva tenant arc et flèche, ainsi que l’antilope (à la place du trident). Arjuna, de petite taille, est à ses pieds en posture de prière.

Lingôdbhava  
Images de Lingôdbhava

Vishnu reposait dans un état de profond Yoganidra, à la fin d'un kalpa, sur les eaux de l'Océan Primordial, quand apparut devant lui Brahmâ. Brahmâ se présenta à Vishnu comme le Créateur de l'Univers, ce à quoi Vishnu répondit que lui était l'Architecte de l'Univers. Ils discutèrent alors, avec divers arguments, de la supériorité de l'un sur l'autre, quand surgit devant eux un immense Lingam de feu dont sortaient des langues de flammes.

Ils furent bien étonnés de voir que ses dimensions paraissaient infinies. Ils décidèrent que le premier des deux qui atteindrait l’extrémité du pilier de feu serait déclaré le vainqueur de leur discussion. Brahmâ prit la forme d’un cygne (Hamsa) et partit vers les cieux pour atteindre le sommet du pilier. Vishnu prit la forme d’un sanglier (Varâha) et s’enfouit dans la terre, tentant d’atteindre au plus vite la base du pilier de feu. Leur recherche dura longtemps mais fut infructueuse.

Brahmâ et Vishnu s’épuisèrent sans succès à trouver les extrémités du pilier… Vishnu s’en revint, réalisant qu’il devait s’agir de Parashiva, Celui qui est au-delà des limites et qu’aucune connaissance ne permet de mesurer. Il comprit que Shiva avait pris cette forme du pilier de feu pour leur faire comprendre la Vérité Suprême.

Brahmâ, pour sa part, en s'envolant sous la forme du cygne, avait vu tomber les pétales d'une fleur ketaki. Fatigué de l'inanité de ses efforts, il demanda à la fleur de témoigner auprès de Vishnu qu'il avait atteint le sommet de la colonne où la fleur résidait auparavant. Accompagné de sa complice, Brahmâ retrouva Vishnu et prétendit avoir effectivement découvert l'origine de la colonne cosmique.

C’est à cause de ce mensonge que Brahmâ ne reçoit pratiquement aucun culte depuis. C'est d'ailleurs suite à ce mensonge que Shiva punit Brahmâ en lui coupant sa cinquième tête. Quant à la fleur de Ketaki, pour prix de son faux témoignage, elle fut exclue par Shiva des fleurs qu'il aime se voir offrir.

Shiva sortit alors du lingam de feu. Avec ses mille bras et jambes, ses trois yeux, le soleil, la lune et le feu, portant l'arc pinaka et le trident (trishul), vêtu de la peau d'un éléphant, il s'adressa à Vishnu et Brahmâ d'une voix de tonnerre, leur expliquant que tous deux procédaient de Lui et que tous trois constituaient trois aspects différents de la divinité.

Ce pilier de feu extraordinaire était donc le Soi Suprême Lui-Même, Celui qui est au-delà de la forme, de la couleur et des qualificatifs ! Et qui donc connaît le début et la fin du Suprême ? Ce Lingam de feu ne peut être expliqué, ni exploré. Semblable à une flamme, il n’est ni forme ni sans-forme ; ce n’est qu’un symbole de la Lumière Suprême (jyoti). Le Shivalingam est une représentation de cette colonne cosmique infinie de feu; il est le point focal de tout culte, de toute adoration dans les temples de Shiva.

Le Lingôdbhava, "Manifestation du Lingam", est une image familière placée dans la niche (devakoshta) derrière le garbha-griha (sanctuaire principal) de tous les temples de Shiva, c'est à dire sur le mur extérieur occidental, compte tenu de l'orientation de ces temples, surtout ceux d'époque Chola. Comme son nom l'indique, il est représenté par un énorme Lingam. Brahmâ, sous la forme d'un cygne s'envolant, se tient à gauche de Shiva, alors qu'à droite, Vishnu, sous la forme d'un sanglier, creuse les entrailles de la terre. Cygne et sanglier sont parfois humanisés. En même temps, Brahmâ et Vishnu, sous leur forme glorieuse, se tiennent de part et d'autre de Shiva, les mains jointes en prière.

L'image de Shiva, émergeant du centre du Lingam, apparaît dans un espace ovale. Le corps du dieu a quatre bras; de ses mains supérieures, elle porte la hache et l'antilope, et de ses mains inférieures, elle montre les mudra abhaya et varada. Parfois la main gauche est seulement posée sur la hanche. Dans cette manifestation, Shiva apparaît dans une pose hiératique, dite samapada, c’est à dire avec les deux jambes parfaitement rectilignes supportant également le poids du corps. Cette symétrie traduit la sérénité et le calme parfait du dieu.

Shiva porte des ornements, boucles d'oreille, colliers, bracelets et guirlandes. En haut du Lingam, est représenté l'oiseau Hamsa (figuration de Brahmâ dont cet oiseau, le cygne, est le véhicule) en bas à gauche le Sanglier (Vishnu sous sa forme de Varaha). De chaque côté, deux images en pied de Brahmâ et Vishnu, les mains jointes, sont ajoutées.

Cette légende s'enracine dans le vaste complexe du temple d'Arunachaleshvara à Tiruvannamalai, où la montagne sacrée d'Annamalai elle-même, est considérée comme une manifestation de cette colonne de feu. Le lingam honoré à Tiruvannamalai est donc le lingam de feu.

Nâtarâja  
Images de Shiva Nâtarâja

Le temple de Shiva à Chidambaram est le plus célèbre des temples où cette forme de "Shiva, le Roi de la Danse" est honorée. Mais nombre de temples, en particulier au Tamil Nadu, vénèrent le Shiva Natarâja. Son visage est serein et majestueux. Sur sa tête, le chignon de cheveux abrite Gangâ, ainsi que le croissant de la lune. Il porte des boucles d'oreilles figurant des monstres marins (makara) ou des feuillages, ainsi que de multiples colliers et anneaux de cheville qui scandent sa danse. Vêtu de peaux d'animaux, tigre dans la partie supérieure, lion dans la partie inférieure, il est orné de serpents. L'un d'eux barre sa poitrine et lui tient lieu de cordon sacré.

Sa jambe gauche dessine dans l'air le swastika; la droite, au talon un peu relevé, est posée sur le démon Apasmâra qui, le dos sur le sol, grimace de déplaisir. Le démon Apasmâra symbolise la perte de mémoire, ou encore l'épilepsie. De ses quatre bras, Shiva tient, à droite le tambour damaru, à gauche une flamme ardente. Un autre main fait le geste de l'absence de crainte et sur elle s'enroulent des serpents.

Tout autour de son corps, un grand halo de flammes dessine une auréole ovale ou circulaire.

Shiva danse en diverses occasions :

 Lors de la destruction de l'Univers (pralaya), la danse tândava est alors qualifiée d'effrayante (ghora) ou violente (ugra)
 Après avoir transpercé le corps du démon Andakha de son trident
 Pour divertir Umâ (Pârvatî) son épouse bien-aîmée.

La danse de Shiva dans un cercle de flammes représente les cinq actions divines : la création du monde (shristi) que rythme le tambour, sa conservation (sthiti) qu'assure le geste d'absence de crainte, la destruction (samhâra) par la flamme que tient la main gauche, l'engloutissement des âmes dans l'obscurité de l'ignorance (tirobhava) que montre le pied posé sur le démon, et enfin l'intervention divine qui sauve le Monde - la grâce- (anugrâha) dont le pied levé est l'emblème.

Chidambaram est considéré, par les Shivaïtes, comme le centre du monde, le lieu où la danse de Shiva, pour puissante qu'elle soit, permet quand même au Monde de continuer à exister. En effet, Shiva avait dansé en premier dans la forêt de Dârukavana, devant les dieux et de nombreux ascètes rassemblés, mais la terre en avait tremblé. Il transporta ensuite sa danse à Chidambaram où elle se perpétue de nos jours.

Dans cette mûrti, Shiva est appelé Natesha, le Maître de la Danse, ou encore Nâtarâja, le Roi de la Danse. Parfois, on lui donne le nom de Sabhâpati , "Celui qui rassemble (les dieux) dans la Salle de Réunion", pour rappeler que Sa danse se déroule devant tous les Deva réunis.

Les danses de Shiva

Diverses Agama mentionnent 108 variantes de la danse de Shiva, dont neuf seulement seraient représentées. D'autres Agama se limitent à sept sortes de postures de danse de Shiva.

 La première danse, l'Ânanda-Tândava, ou Danse de la Félicité, est la forme de danse de Shiva Nâtarâja la plus connue et la plus fréquemment représentée.

Le Prince de la Danse, à quatre bras et au corps frotté de cendres, se tient debout sur un piédestal fait d'un double lotus inversé. De son pied droit, il écrase Apasmâra (=Mûlayaka), le mal personnifié en démon. Ce démon tient un serpent.

Avec un damaru (petit tambour à deux faces en forme de sablier) tenu dans sa main supérieure droite, Shiva appelle ses fidèles. Ce tambour représente aussi la création. De la main inférieure droite, il fait un geste de protection (abhaya mudra), tandis qu'un serpent cobra, un ornement habituel de Shiva, s'enroule à son avant-bras. Le bras inférieur gauche est orienté vers la droite, en travers de la poitrine, les doigts de la main pointant gracieusement vers le bas, en direction du pied gauche levé dans une posture de danse. La position de cette main est le gaja-hasta, la "trompe de l'éléphant". Cette main indique que le Seigneur est le Refuge des hommes. Quant à la main supérieure gauche, elle porte la flamme ardente de la Connaissance, mais la flamme signifie aussi la destruction.

La chevelure de Shiva est soit faite de mèches tressées largement étalées de part et d'autre de ses épaules, soit rassemblées en un haut jatamakuta (chignon tressé). Dans ce chignon de cheveux est figurée la lune croissante (Chandra), symbole de la Connaissance en cours de développement. Les flots du Gange (Gangâ) coulent de sa chevelure, de chaque côté de sa tête, et il porte des boucles d'oreilles d'homme et de femme soulignant l'aspect ambigu de sa nature. Ses bras, ses jambes et ses chevilles s'ornent de beaux bracelets. Autour de ses reins est ceinte une peau de tigre.

Sur les mûrti de métal, Shiva est entouré d'une auréole, le prabhâ, couronnée de flammèches semblables à la flamme que tient sa main gauche. Ce prabha est en forme de fer à cheval. Il signifie que Shiva, dieu de la Transformation par la destruction, consume les désirs. Sa danse rythme l’Univers et les Changements incessants auxquels Il préside.

Le Seigneur Shiva danse pendant la création, la protection et la destruction des mondes. Aussi, plusieurs types de danses, et pas seulement Ânanda-Tândava, sont-ils représentés : Sandhya-Tândava, Urdhva-Tândava, Rudra-Tândava, Samhara-Tândava, etc. La danse du Seigneur trouve place en tout. Elle est source de toute énergie. Son mouvement est Shakti. Les Yogi entendent et voient cette danse quand ils invoquent Kundalini Shakti. Le Seigneur Shiva danse en cinq lieux différents (ambalam) en diverses occasions. Le plus renommé d’entre eux est Chidambaram. En ce temple, Shiva danse pour répondre au vœu des Rishi Patañjali et Vyâgrapâda.

On connaît des images de Nâtarâja avec une petite antilope gambadant près de son pied gauche, Gangâ et le croissant de Lune décorant sa chevelure, le Sage Patañjali (avec un corps de serpent) et Vyâgrapâda (aux pieds de tigre) priant de chaque côté et la déesse Pârvatî se tenant sur la gauche.

La danse de Shiva symbolise l'action de l'énergie cosmique qui crée, maintient et détruit l'Univers visible; pendant cette danse, tous les dieux et déesses sont assemblés pour se mettre sous la protection de Shiva. C'est pourquoi le Kâranâgama décrit ainsi la danse de Shiva :

"Au sommet du Mont Kailasha, devant la déesse Gauri (Pârvatî) assise sur un trône de joyaux, Shiva, un croissant de Lune dans ses cheveux, danse dans le crépuscule. Tous les Deva accompagnent la danse : Brahmâ joue des cymbales, Hari (Vishnu) du tambour pataka, Bhârati (Sarasvatî) du luth, le Soleil et la Lune de la flûte, Tumburu et Nârada chantent pendant que Nandi et Kumâra (Skanda) jouent aussi du tambour. Il est dit que cette danse porte aussi le nom de Bhujangatrâsita et que le serpent Karkôtaka est sur le corps de Shiva".
Image de Shiva dansant devant les dieux réunis

 La seconde danse est la danse du soir, Sandhya-Tândava. Le démon Apasmara est absent et les symboles dans les deux bras à gauche sont les plumes de paon et le mudra vismaya. Cette danse est accomplie sous un banian.

 La troisième danse est l'Umâ-Tândava, c'est à dire la danse avec son épouse Umâ. Shiva a deux bras de plus, soit six en tout. Le bras additionnels porte à droite le trident; à gauche, on voit le crâne, le mudra vismaya et le gaja-hasta. Le pied gauche est placé sur le démon Apasmâra tandis que la jambe droite est tendue vers la gauche. Umâ se tient sur la gauche de Shiva.

 La quatrième danse, Gaurî-Tândava, est presque semblable à la première, mais dans l'une des mains de gauche se trouve un serpent. Nandi se tient à droite de Shiva et Gaurî à sa gauche.

 Sous sa cinquième forme, Kâlikâ-Tândava, Shiva, dansant sur le démon Apasmâra, n'a que deux yeux mais huit bras. Trois des bras de droite tiennent le trident, le noeud coulant et le damaru, tandis que les bras correspondants de gauche montrent le crâne, la flamme et la cloche; les deux derniers bras montrent l'abhaya mudra à droite, et le gaja-hasta à gauche (ou l'inverse).

 La sixième danse de Shiva, la Tripura-Tândava, le montre pourvu de seize bras et d'autant de symboles; Gaurî et Skanda se tiennent à ses côtés, à gauche et à droite respectivement.

 La septième et dernière version de la danse s'appelle Samhâra-Tândava, la danse de la mort : elle montre Shiva avec trois yeux et huit bras. La jambe gauche s'appuie sur sur Apasmâra, la jambe droite est levée. Dans les mains à droite, on voit l'abhaya mudra, le trident, le noeud coulant et le tambour-damaru, dans les mains à gauche, le crâne, la flamme et les mudra vismaya et gaja-hasta. A droite et à gauche se tiennent respectivement Nandi et Gaurî.
Image de Samhâra-Tândava Shiva

 Une seule autre danse, hormis celles déjà décrites, mérite d'être citée : c'est la Ûrdhva-Tândava, dans laquelle Shiva, à quatre, huit, ou seize bras, lève haut la jambe jusqu'à toucher le haut de sa couronne. On dit que Shiva exécuta cette danse pour la première fois à Tiruvâlangâdu, près d'Arkonam. Voici la légende qui s'y rapporte.
Un jour eut lieu une dispute entre Shiva et son épouse car chacun d'eux revendiquait d'être meilleur danseur que l'autre. Shiva dansa de différentes manières et Shakti suivait les mêmes mouvements. Pour mettre un terme à cet intermède qui risquait de durer, Shiva leva une jambe jusqu'au dessus de sa tête. Autant par pudeur que pour céder devant son époux, Shakti reconnut sa supériorité.
Images de Shiva Ûrdhva-Tândava

Nîlakhanta

Nîlakhanta est "le Seigneur à la Gorge bleue". Shrîkantha, Vhishakantha et Vishâpaharanamûrti sont trois autres noms synonymes. Toutes ces dénominations rappellent l'épisode pendant lequel Shiva a avalé le poison mortel Hala-Hala (Kâlakûta).

C'était pendant le barattage de l’Océan par les Deva et les Danava (=Asura) pour obtenir l’Amrita, le Nectar d’Immortalité. Le Mont Mandara était leur axe de barattage, la Tortue Primordiale le support et le serpent Vasuki la corde. Sur le conseil avisé de Vishnu, les Danava tinrent la tête et les Deva la queue du serpent. Au bout d'un long moment de barattage, alors que déjà des choses merveilleuses commençaient à apparaître dans l'Océan, le serpent Vasuki se sentit épuisé par l’effort, et sa peau se mit à exsuder un poison terrible, le poison Hala-Hala (c’est à dire "très destructeur"). Tout alentour devint sombre et cette noirceur envahit rapidement l’Univers entier. Tous les dieux et démons étaient mortellement effrayés. Ce poison imparable signifiait leur mort et la mort de tous les êtres dans l’Univers. Dans ce moment d’horreur, ils appelèrent désespérément Shiva à l’aide. Le puissant Dieu accourut, se saisit du poison et le mit dans sa bouche. Bien qu’il ne puisse lui causer quelque dommage, puisque toutes choses procèdent du Seigneur, Shakti, la mère de toutes les créatures, arrêta la progression du poison dans le corps du Seigneur, en posant la main sur sa gorge. Ainsi, le poison resta dans la gorge et une tache bleu foncé en resta dès lors visible. C’est pourquoi le Seigneur est appelé Nîlakhanta.

Le Kâranâgama décrit une forme de Shiva, nommée Vishâpaharamûrti, le "Destructeur du Poison" (ou Vishâpaharana) : il a une tête, trois yeux, la coiffe de nattes en chignon, les canines un peu proéminentes et quatre mains dont celles du haut tiennent l’antilope et la hache. Dans d'autres cas, il porte le trident, et une petite arme tranchante (khandika), en forme d'oreille de vache à droite, à gauche un crâne.

Shakti Gaurî est représentée à côté de Shiva. Elle montre de l’inquiétude et tient le cou de son époux comme si elle voulait l’empêcher d’avaler le poison. On voit Shiva avalant le poison qu’il tient de sa main droite inférieure. La main gauche du bas fait le geste du don (varada mudra).

Somâskandamûrti  
Images de Somâskanda-mûrti

Si le groupe Umâmaheshvara-mûrti montre Shiva accompagné de sa Shakti Umâ, Somâskanda-mûrti (contraction de Saha Umâ Skanda) y ajoute la présence de Skanda (nommé aussi Kârtikkeya), l'un des deux fils de Shiva et Umâ (Umâ = Pârvatî), le second étant Ganesh. Somâskanda signifie donc "Shiva accompagné d'Umâ et de Skanda". Rappelons que Skanda porte aussi le nom de Kârttikeya (plus connu).

Sur cette image, Shiva est assis dans la posture de sukhasana sur son trône, la jambe droite pendant vers le sol, la jambe gauche repliée et posée sur le socle du trône. Sa coiffure est ornée d'un disque (chakra) et il porte aussi la fleur de datura et le croissant de lune dans ses cheveux. Ses boucles d'oreille sont en forme de monstres marins (makara), de lions ou de feuilles. Il porte encore des bracelets et le cordon sacré. Son vêtement est en peau d'animal; il tient la gazelle et la hache (ou l'aiguillon) dans les deux mains supérieures, alors que les autres mains montrent le geste de l'absence de crainte (abhaya mudra) et de don (varada mudra).

La déesse est chapeautée d'une haute coiffe (karandamakuta) et porte le cordon sacré. Sa jambe droite est posée sur le trône, et la gauche reste pendante. Sa main droite tient un beau lotus, la gauche fait le geste du don (varada mudra) ou le kataka mudra. Parfois, on la représente, la paume de sa main gauche posée sur le socle, près de sa cuisse gauche, tandis que la droite tient le lotus.

Skanda est placé sur le devant, entre son père et sa mère. Debout, sa petite taille ne lui fait pas dépasser la poitrine de sa mère, parfois son visage. Semblable à un enfant, il a deux bras, deux yeux et il est nu. Ses jambes parfois un peu courbées indiquent comme un début de posture de danse. Il porte sur la tête une couronne de type karandamakuta et tient, dans une main, une fleur de lotus ou une mangue.

Dans certains cas, ce groupe de Somâskanda-mûrti est encadré de deux personnages féminins debout ou assis appelés Bhôga-Shakti et Vîra Shakti, respectivement à gauche et à droite. Ce sont des Shakti de Shiva qu'on dit l’accompagner en permanence, ainsi qu’une troisième, Yôga-Shakti.

Une représentation intéressante de Sômaskanda se trouve à Mahâbalipuram. Shiva y est confortablement assis; dans ses mains supérieures, toutefois, les symboles de l’aiguillon et du daim manquent. La main droite inférieure est en abhaya mudra, celle de gauche en kataka mudra. Pârvatî est assise à la gauche de Shiva, le regardant; elle tient l’enfant Skanda sur ses genoux. Sur les côtés supérieurs de la composition, on voit des nains volants, qui semblent tenir des chasse-mouches dans leurs mains. L’ensemble est gardé par quatre dieux armés, levant leurs armes qu’ils pointent vers Shiva.

Somâskanda est l’une des représentations les plus habituelles de Shiva. On en connaît des exemples qui datent de la période Pallava; on la trouve sur les murs arrière du sanctuaire central, juste derrière le Lingam des temples de cette période. Par exemple le Ratha de Dharmarâja, à Mahâbalipuram, qui initialement devait être un sanctuaire du Shiva Lingam du nom de Atyantakâma- Pallalêshvara montre cette représentation gravée au fond d’une niche du deuxième niveau. On la trouve encore à l’arrière du temple du Rivage dans la même localité. De même encore au temple de Kailashanath, à Kanchipuram. Mais les temples postérieurs ne montrent plus le Somâskanda à l’arrière du sanctuaire du Lingam.

Cette image, très souvent de bronze, est transportée sur de grands chars de bois (ratha) hors des temples à l'occasion des fêtes. Dans les temples, le culte lui est rendu dans un sanctuaire secondaire, car le sanctuaire principal est réservé au Shiva Lingam. Cependant, une image en pierre de Somâskanda reçoit le culte principal dans le temple de Tirumâlapadi.

Shankaranârâyana

Shankaranârâyana est une forme combinée de Shankara ("Celui qui accorde la Félicité, l'un des noms de Shiva) et de Nârâyana, l'un des noms de Vishnu.

La partie droite du corps de couleur blanche, la Lune formant couronne au-dessus de sa tête, couvert de cendre et de colliers de Rudraksha, tel est Shankara; la partie gauche, de couleur noire, portant une couronne de joyaux, brillant de vêtements de soie, les mains de droite arborent le damaru et le geste de l’abhaya, et celles de gauche la conque et la massue, montrant partiellement le troisième œil frontal, tel est Nârâyana.

Les Shivaïtes pensent qu'ici Vishnu est l’une des Shakti de Shiva. Cette mûrti indique que Vishnu forme la partie gauche, la place de Shakti, du corps du Seigneur.

Shankaranârâyana est un synonyme de Harihara.

Tripurântaka  
Images de Tripurântaka

Tripurântaka est la forme de Shiva en tant que "Destructeur des trois cités". Un nom similaire est Tripurâri. La Shakti de Tripurântaka est Tripurasundarî, un des noms de Pârvatî.

La légende raconte comment Shiva détruisit les trois cités maléfiques de Tripura. Le démon Taraka avait trois enfants également démoniaques, Târakâsha, Kamalâksha and Vidyunmâli. Ces trois princes accomplirent de sévères austérités, en sorte que Brahmâ leur accorda un immense pouvoir. Le don qu'ils reçurent leur permettait de vivre mille ans dans trois cités-forteresses aériennes (tripura) invincibles qu'ils firent édifier par l'architecte des Asura, Maya, un célèbre Dânava qui, entre autres, fut le beau-père de Râvana et le créateur de la magie. De plus, ils ne pourraient être vaincus que par une flèche cosmique qui rassemblerait les trois forts en un seul et les anéantirait par le feu. Les démons, protégés par leur pouvoir, semèrent le chaos dans l'univers.

Les Deva qu’ils dérangeaient allèrent se plaindre au Seigneur. Mais Celui-ci leur répondit qu’aussi longtemps que les démons lui rendraient un culte, il ne pourrait rien faire. Mahâ Vishnu se rendit auprès des trois et les convainquit de cesser d'honorer Shiva. Le Seigneur put donc intervenir.

La Terre devint le char du Seigneur, Brahmâ son conducteur, le Soleil et la Lune les roues, les quatre Veda les chevaux et les Upanishad les rênes de guidage. Shiva prit la mythique montagne dorée du Mont Meru comme arc, le serpent Vasuki pour corde de cet arc et l’Océan comme carquois. Le Seigneur Vishnu accepta d'être la flèche. Ainsi, tous les dieux étaient-ils présents sous diverses formes dans ce char. Mais le Feu et le dieu de la Mort se retrouvèrent dans la roue, et non dans la flèche. Aussi, Vinayaka (Ganesh, dieu des obstacles) brisa-t-il cette roue pour remettre Feu et Mort dans la flèche. Finalement, quand tout fut prêt, les Deva étaient très fiers qu’avec leur participation, le Grand Dieu puisse aller détruire les trois forteresses. En fait, Shiva n’eut recours à aucun d’entre eux. Il se contenta de sourire, décocha une seule flèche et les trois cités furent réduites en cendres.

Le but de la destruction ne vise que la purification. Le Seigneur rendit la vie aux trois démons qui reconnurent leur faute et devinrent des dévots de Shiva. Celui-ci leur pardonna et accorda à l’un d’entre eux de le rafraîchir avec un éventail, et aux deux autres d’être les gardiens de Sa résidence.

Les images du Tripurântaka montrent Shiva, la jambe droite fermement plantée au sol, la gauche pliée. La main inférieure droite, faisant le geste de simhakarna, tient la flèche et la main gauche, l’arc. Les autres mains tiennent l’aiguillon (ou la hache) et le daim. La chevelure est coiffée de façon à former un jatâmakuta. Il porte des boucles d'oreilles, des colliers, des bracelets, ainsi qu'un serpent en guise de cordon sacré. Une auréole entoure sa tête. Gaurî est placée à sa gauche. Elle laisse pendre son bras et un diadème orne sa coiffure.

Il existe des modifications possibles dans la position des jambes, la présence ou non du démon Apasmara sous l’un des pieds, la manière de tenir l’arc et la flèche, le nombre de bras, huit voire dix. En tout, on connaît cinq variantes du Tripurântaka. L'une d'entre elles, très spectaculaire, figure sur le mur nord du temple de Brihadeshvar, à Tanjore : on l'appelle la danse alidha (alidhanrita). Parfois (c’est le cas lorsqu’il est pourvu de dix bras), Shiva est assis sur un char. A l’avant du char, on voit Brahmâ à quatre visages assis et, sous lui, un taureau blanc tirant le char. Tripurântaka, dansant de joie, est parfois doté de seize bras, mais le plus souvent il n'en a que quatre.

Le mot Tripura se rapporte aux trois composants (impuretés) de l’esclavage (sujétion) que sont l’ego (aham), les actions et leurs conséquences (karma) et l’illusion (maya). Quand le Seigneur montre sa Grâce, toutes ces impuretés sont éliminées; seule reste la Félicité et alors le Seigneur Shiva danse.

Les formes de Shiva en tant que destructeur sont rarement placées dans un sanctuaire. Le Tripurântaka ne déroge pas à la règle. Néanmoins, on en signale une à Tiruvatikai, près de Chidambaram, le lieu où le mythe est censé s'être déroulé dans un lointain passé. Là, le temple de Vîratteshvara est l'un des huit Vîrata Sthala qui célèbrent Shiva comme destructeur des forces maléfiques. Tripurântaka est également présent dans le sanctuaire du temple à Tiruvirkolam, près de Madras.

Umâmahêshvara  
Images de Umâmahêshvara-mûrti

Maheshvara (Le Grand Dieu) et sa parèdre Umâ (=Pârvatî) sont souvent représentés ensemble pour illustrer leur inséparabilité fondamentale. Shiva est assis dans la posture sukhasana. Il est vêtu de blanc et son visage à l'éclat du cristal dispense tous les dons à ses adorateurs. Sa jambe gauche est repliée et posée sur le trône où le Dieu est assis, alors que la jambee droite est laissée pendante. Les mains inférieures droite et gauche font respectivement les gestes de l'absence de crainte (abhaya mudra) et du don (varada mudra). Les mains supérieures tiennent la hache et la gazelle.

La déesse Umâ, en revanche, a le teint foncé. Elle est assise, comme Shiva et à côté de Lui, dans la posture sukhasana (c'est pourquoi l'un des noms de Shiva est aussi Umâpati - Maître d'Umâ-); son bras gauche pend nonchalamment, et sa main droite tient une fleur dressée de lotus (lotus utpala). Elle porte une haute coiffe (karandamakuta) et des vêtements variés, ainsi que des bijoux et guirlandes. Souvent, la main gauche de Shiva est étendue au-dessus des épaules de la déesse et vice-versa. Parfois, cette forme de Shiva a huit visages et deux mains. Des auréoles de lumière entourent le couple divin.

D’autres textes disent qu’il convient que Indra et les autres dieux se tiennent derrière, Vishnu et Brahmâ sur les côtés, tandis que les dévots Bhringi, Nârada, Bâna, Bhairava, Ganapati, Skanda, et Virêshvara se trouvent aux huit points cardinaux.

La définition première de Umâmaheshvara est la représentation de Pârvatî assise sur la cuisse gauche de Shiva, que celui-ci soit lui-même sur un trône, un lit ou le dos de son taureau Nandi. En effet, la place sur la cuisse droite est réservée aux enfants ou une belle-fille et celle sur la cuisse gauche, à une maîtresse ou une épouse... Les Umâmaheshvara montrent une relation entre Shiva et Pârvatî plus intime que celle des Umâsahita ou des Alingana car leurs corps se touchent de différentes façons.

Mais Pârvatî assise sur la cuisse gauche de Shiva n'est pas seulement l'épouse amoureuse, elle peut aussi écouter les enseignements du Grand Dieu.

Le cas le moins fréquent montre Shiva à deux bras; son bras gauche enlace l'épaule gauche de la déesse alors que celle-ci, de son bras droit, enlace l'épaule gauche de Shiva. Sur la plupart des statues existantes, Shiva possède quatre bras.

 Alors que trois de ses mains portent des armes habituelles, sa main gauche inférieure est placée sur l'épaule d'Umâ.
 Les mains supérieures portent des armes, la main inférieure droite esquisse un mudra et sa main gauche inférieure caresse la poitrine d'Umâ.
 Les mains supérieures portent des armes, les mains inférieures sont en varada et abhaya mudra
 Les mains supérieures portent des armes; la main inférieure droite est soit placée sur la cuisse de la déesse, soit elle relève son menton dans un geste caressant; la main gauche de Shiva, enlaçant Pârvatî, est posée sur sa poitrine.

Umâ pose sa main droite sur Shiva et sa main gauche tient un miroir.

Cette classification simplifiée ne tient pas compte des multiples variantes observées dans la statuaire ancienne. Par exemple, les jambes pliées du dieu et de la déesse peuvent ≖tre les deux jambes droites ou les deux jambes gauches, ou une jambe droite et une jambe gauche, etc. Ou encore Shiva, de sa main gauche, relève le menton d'Umâ en le caressant ou bien, à la place, lui présente une friandise. Leur position respective est plus ou moins proche, traduisant ainsi le sentiment d'intimité.

Les personnages accessoires jouent aussi un rôle dans la composition; le plus notoire est Nandi, le taureau blanc véhicule de Shiva (vahâna). Quand il est représenté, il est de petite taille, devant les deux divinités. Mais il est fréquent que Shiva et Umâ soient montrés assis sur Nandi.

Si, dans ces cas, au sens strict, la composition est bien encore dénommée Umâmaheshvara-mûrti, elle peut aussi être considérée comme une représentation de Shiva avec son taureau, auquel cas elle devrait recevoir le nom de Rishabhârûdha ou Vrishabhârûdha. C'est d'ailleurs sous cette dénomination que nous faisons figurer nombre de représentations d'Umâmaheshvara -mûrti.

Umâsahita-mûrti  
Images de Umâsahita-mûrti

Dans les Agamas, il est dit que Chandrashekhara-mûrti (l'image de Shiva portant Chandra - Le Dieu Lune dans sa chevelure) comporte trois catégories : la Kevala-mûrti (où Shiva figure seul), l'Umâsahita-mûrti (lien) et l'Âlingana-mûrti.

Dans le Kevala-mûrti, Shiva, dont les mains inférieures sont en abhaya et varada mudra, se tient debout, de manière assez raide, dans la posture dite samabhanga. Il est beau, élégant, et richement vêtu. Le croissant de lune apparaît dans son haut chignon, le jatâmukuta.

Lorsque Shiva est assis dans une posture relaxée, une jambe pendante, on dit qu'il s'agit de la forme Sukhasana-mûrti. Généralement c'est la jambe droite qui est pendante, cependant que la gauche est posée à plat, de côté, sur le siège, mais parfois, c'est l'inverse. Là encore, les mains inférieures arborent des mudra, cependant que les mains supérieures portent des armes.

Lorsque Shiva est accompagné par Umâ, assise ou tenant debout près de lui, sur le même siège, on désigne cette forme comme Umâsahita-mûrti. Shiva a quatre mains : ses mains supérieures portent généralement une hache de combat et un daim; ses mains inférieures sont en abhaya et varada mudra. Il est assis comme indiqué un peu plus haut et la déesse, un peu plus petite que lui et assise à sa gauche, se tient de la même manière. Elle n'a que deux bras et porte souvent un lotus dressé dans la main droite, tandis que la gauche est en varada-mudra ou reste posée sur le siège.

Les figurations debout d'Umâsahita-mûrti sont les plus anciennes (Kausambi, 4ème siècle) et ont atteint une quasi perfection de style dans l'art Chola du bronze (10-12ème siècle). Si Shiva garde sa posture hiératique, celle de la déesse, en tribhanga (triple flexure), y gagne en grâce.

Il arrive que l'on désigne les images de Umâsahita-mûrti sous le nom équivalent de Umâsahita-Chandrashekhara-mûrti pour marquer la présence de Chandra dans la chevelure de Shiva, comme on l'a dit.

Les représentations assises d'Umâsahita-mûrti sont moins populaires, du moins en Inde du Nord, que celles debout. On en trouve dès le 5ème siècle, mais deviennent plus connues chez les Pallava au 8ème siècle (Kanchipuram).

La variante Umâsahita-mûrti est une représentation voisine de Sômaskanda; elle en diffère cependant par l'absence de l'enfant Skanda.

Vîrabhadra (Karâla)  
Images de Shiva Virabhadra

La fille du roi Daksha Prajapati, un descendant de Brahmâ, se nommait Satî. Aimant de toute son âme Shiva depuis qu'elle était toute petite, elle pria le grand Dieu de l'épouser. Le Seigneur accepta, nonobstant la vanité de Daksha.

Par la suite, Daksha snoba son gendre, qu'il considérait comme un petit dieu sans importance. Un jour, Daksha organisa un sacrifice au cours duquel il se proposait de rendre grâce à tous les dieux mais en ignorant ostensiblement son gendre qu'il considérait comme un dieu peu fréquentable, avec sa propension aux austérités. Tous les autres Deva, bien qu’inquiets, acceptèrent d’assister au sacrifice et de recevoir les offrandes. Cependant, le Sage Dadhichi conseilla à Daksha de renoncer à son projet qui pourrait avoir pour lui des conséquences fatales. Ne tenant aucun compte de cet avis, Daksha débuta le rituel. Sa fille Satî vint, contre l'avis de son mari, et pria son père de faire des offrandes à Shiva. Daksha s’emporta contre elle et le Grand Dieu, et les insulta publiquement. Satî, profondément offensée, se jeta de désespoir dans le feu du sacrifice où elle périt.

Le Seigneur Shiva, fou de fureur et de douleur, créa alors Vîrabhadra (que l’on nomme également Karâla ainsi que Bhadrakâlî). Cette Emanations furieuse du Dieu entreprit d'exterminer Daksha et de détruire les traces du sacrifice. Dans cette action violente, des dieux qui avaient pris part à la cérémonie furent blessés. Pour faire bonne mesure, Shiva-Vîrabhadra coupa la tête de Daksha. Personne ne put l'arrêter.

Tous les dieux se prosternèrent devant Shiva et implorèrent son pardon. Shiva, qui accorde toujours son refuge à ceux qui le prient avec ferveur, leur pardonna et, à leur demande, Il rendit même la vie à Daksha en lui attribuant une tête de chèvre. Daksha se repentit de son erreur.

Mais, entre temps, égaré par la douleur, Shiva avait ramassé les restes du corps de Satî, et il commença la danse de destruction de tout l'Univers. Les dieux vinrent le supplier mais, dans la confusion, le disque (chakra) de Vishnu coupa le cadavre de Satî, dont les divers morceaux retombèrent en plusieurs endroits de l'Inde. Ils y formèrent les lieux saints, connus de nos jours, et hautement vénérés sous le nom de Shakti Pîtha.

Par la suite, Satî devait réapparaître en tant que Pârvatî, fille du roi des Himalaya et épouser à nouveau Shiva (voir Kalyana Sundara).

On dit parfois que Vîrabhadra est une des émanations de Shiva, un demi-dieu, comme le sont les Gana. Il jaillit d’une boucle des cheveux du grand Dieu lorsque Celui-ci apprend le suicide de son épouse bien-aîmée dans le feu sacrificiel et qu’il est pris d’une colère totale. Du feu de son courroux naît cette forme terrible, comme la Mort en manifeste, pour détruire le Sacrifice de Daksha et Daksha lui-même.

Cette forme effrayante de Shiva est pourvue de quatre bras, de trois yeux rougeoyants comme des flammes et de dents éclatantes et proéminentes; dans ses cheveux nattés formant couronne, se trouve un lingam. A ses traits affreux, s'ajoutent des cloches, des crânes, des ornements en forme de monstres marins, des serpents en guise de cordon sacré, des bracelets, etc. Son vêtement forme une cuirasse sur les cuisses. Ses armes sont l'épée, le bouclier, l'arc et les flèches, la javeline et le crâne. Il est chaussé de sandales. Il est puissant, profère des rugissements épouvantables et Bhadrakâlî (une forme bienveillante de Durgâ) l’accompagne.

Le Pâncharâtrâgama décrit Vîrabhadra de couleur noire, pourvu de trois yeux et portant dans ses quatre mains une épée, une flèche, un arc et une massue. Il porte une guirlande de crânes et a des sandales aux pieds. Une pièce de tissu jaune est nouée autour de ses reins. Le Silparatna le décrit comme ayant huit bras et chevauchant un Vetala, entourés de ses Gana. Un panneau peint du grand temple de Tanjore sur lequel une femme, peut-être l’épouse de Daksha, lève les bras d’affolement en voyant son époux décapité par Vîrabhadra, avant que ses yeux et sa tête coupée soient jetés dans le feu sacrificiel. Un des prêtres de la cérémonie, une cuillère à oblations à la main, est prêt à se sauver devant le spectacle.

Une remarquable image de Vîrabhadra, avec l’arc et la flèche, l’épée et le bouclier, se trouve à Mudigondam, près de Coimbatore. Le dieu est représenté debout sur un piédestal de lotus et derrière lui, est dessinée une belle arche de lumière, prabhâ-mandala. Au bord du piédestal, sur la droite, on voit Daksha qui a été ressuscité par Shiva avec une tête de bélier pour remplacer celle qui a brûlé dans le feu sacrificiel. L’image de Daksha est nettement plus petite que celle de Vîrabhadra.

Le Silpasangraha mentionne trois variétés de Vîrabhadra selon qu'elles sont sous l'influence de l'un ou l'autre des trois Guna : Sattva, Tamas ou Rajas. Selon le cas, Vîrabhadra a respectivement deux, quatre ou huit bras, mais est toujours de couleur sombre et d’allure farouche.

Les représentations assises de Vîrabhadra s’appellent Yôga-Vîra (Sattva). Vîrabhadra porte alors une épée et un bouclier, et il est assis avec une jambe pliée sur le piédestal et la seconde pendante.

Les représentations debout de Vîrabhadra sont les Bhôga-Vîra (Tamas). Il arbore l’arc et la flèche, l’épée et le kataka. L’une des jambes porte l’anneau de chevilles des héros. La tête est parée d’une couronne, au milieu de laquelle un Lingam est représenté. Une guirlande de crânes décore son cou. Sur la droite, se trouve l’image de Daksha, bras croisés.

Les représentations de Vîrabhadra en position de marche sont les Vîra-Vîra (Rajas). Il porte le trident, l’épée, la flèche et le daim à droite, le crâne, le bouclier, l’arc et l’aiguillon à gauche.

On notera que les représentations de Vîrabhadra, dans les temples qui lui sont dédiés, sont très fréquentes dans les régions Telugu (Andhra Pradesh) et Kannada (Karnataka). Cependant, bien qu’il soit rare au Tamil Nadu, on connaît un temple dédié à Vîrabhadra à Madurai.

La divinité du temple de Vîratteshvara à Tiruppariyalur, près de Mayavaram (Tanjore) est associée à la destruction du sacrifice de Daksha, sous le nom de Shiva Dakshârimûrti (le tueur de Daksha, donc un autre nom de Virabhadra). C'est l'un des huit Vîrata Stala célébrant Shiva comme destructeur des forces démoniaques. A Tiruvengadu, c'est Vîrabhadra lui-même qui fait l'objet d'un culte.

Vrishabhârûdha ou Vrishavahâna  
Images de Vrishabhârûdha

Vrishabhârûdha (=Rishabhârûdha, Vrishârudha) encore appelé Vrishavahâna est la forme de Shiva accompangé par ou assis sur le Taureau sacré, car un autre nom de Nandi est Rishaba (ou Vrishaba) et vahâna est la monture. Rishabdev (ou Rishabdeo) et Vrishânka ou Vrishabhadhvaja ("Celui qui a le Taureau pour emblème"), ou encore Vrishârûdha-mûrti (""Shiva monté sur le taureau Nandi") sont encore des noms synonymes de cette forme de Shiva, de même que Vrishavâhanadeva, "Celui dont la monture est le taureau".

Dans les représentations classiques de Vrishavâhana, Shiva debout pose son coude droit sur la bosse de Nandi.

Dans les cas où il est assis sur Nandi, Shiva, doté de quatre bras (parfois deux) et tenant la hache et la gazelle noire, est assis en sukhasana, la jambe droite pendante, la gauche pliée posée sur le dos du taureau. De ses deux mains supérieures, il tient souvent l’aiguillon et le daim.

Dans de très nombreuses représentations, Umâ (=Pârvatî) est présente au côté de Shiva; soit ils se tiennent tous deux près de Nandi, soit il sont assis sur lui. Dans ce dernier cas, il est alors évident qu'il s'agit d'une forme que l'on peut aussi bien appeler Umâmaheshvara que Vrishavâhana. C'est pourquoi, on dit parfois qu'il s'agit d'une forme mixte Vrishavâhana / Umâmaheshvara-mûrti.

De même, si Shiva et Umâ sont assis sur Nandi mais relativement séparés, on parlera d'une forme mixte Vrishavâhana / Umâmasahita-mûrti.

Dans tous les cas, une petite image accessoire de Ganesh peut se trouver sur la composition.

Parfois, le taureau se tient derrière le siège sur lequel Shiva et Pârvatî sont assis. La main inférieure droite de Shiva tient alors le trident alors que ses mains du haut portent la hache et le daim.

Se reposant, avec la main penchée vers sa monture le taureau sacré, Rishabhârûdha apaise les souffrances des hommes. Doté d’un troisième œil frontal plein de compassion, il porte sa chevelure comme une couronne; accompagné de Gaurî à sa gauche, il accorde ses bienfaits à qui le prie.

Nandi, le taureau, est la monture de Shiva, son accompagnateur et serviteur bien-aîmé. Placé très souvent à l'extérieur du temple, ou à tout le moins dans le mandapa, il fait face au sanctuaire où réside le Lingam. Il symbolise l'âme humaine (jivatman) brûlant de se réaliser dans l'unité avec le Paramatman, la Réalité Ultime. Il symbolise aussi l'instinct érotique et la puissance de la justice. Selon la légende, il fut donné à Shiva par son beau-père Daksha.

Le Taureau sacré est le Dharma Devata (dieu de la justice) qui, pour devenir immortel, devint le véhicule du Seigneur. Lors du Tripura Samhara, lorsque le char se brisa dès que le Seigneur Shiva y eut posé le pied, Mahâ Vishnu prit la forme d’un Taureau pour venir en aide au Seigneur.

 

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