Java |
|
![]() |
Les contacts entre l'Inde et l'Indonésie remontent à l'époque antique du Râmâyana
qui mentionne l'île de Java. Le Shivaïsme y fut la religion prédominante. Nulle part ailleurs en Asie du sud-est Ganesh n'a
adopté autant de formes nouvelles que dans ces îles où il était très populaire. Le Musée National de
Djakarta posséderait ainsi une remarquable sélection d'une quinzaine de pièces remarquables, datant du
8ème au 15ème siècle. L'un d'eux, du 8ème siècle, provient du Chandi Banon, temple
de Banon (Magelang, Java central), alors que pratiquement rien ne subsiste sur ce site, situé non loin de Borobudur. Ganesh est assis,
doté de quatre bras, et il porte un vêtement fleuri et des bijoux. Dans ses mains de droite, il tient une défense brisée
et un chapelet, cependant que la main gauche inférieure (la supérieure est endommagée) montre un bol de sucreries.
On en admire également deux exemplaires à l'Indian Museum de Calcutta (Inde), et deux autres encore, des périodes Kadiri et Singhasari, au musée d'ethnologie de Leyden (Pays-Bas).
Les plus anciens Ganesh connus, du 8 ème au 9 ème siècle, voire antérieurs selon certains spécialistes, sont du Plateau de Dieng (dynastie Sanjaya probable). Ressemblant à ceux d'Ellora (Mahârâshtra, Inde), ces Ganesh portent un bol vide (et non plein de friandises comme d'habitude en Inde) et ils ont, posture bien particulière, quoique également connue en Inde, les plantes des pieds pressées l'une contre l'autre, devant le corps. Le plus ancien, daté du 6ème siècle probablement, est un Ganesh assis à quatre bras. Les mains du bas tiennent, à droite, la défense brisée et à gauche un bol de sucreries. Les mains supérieures arborent une hache et un chapelet. Le dieu porte des bracelets, un collier et un cordon sacré fait d'un serpent. Sa tête est surmontée d'une couronne.
De peu postérieurs à Dieng, les vestiges de Prambanam (à 17 km de la grande ville de
Yogyakarta), témoignent de ce que fut, au 9ème - 10ème siècles, une période riche en temples influencés par les
styles Gupta et post-Gupta de l'Inde du nord. Le grand temple de Shiva du complexe Lara
Jonggrang (856) est célèbre pour son imposant Ganesh de facture similaire à ceux de Dieng. Le socle des statues, taillées
dans une pierre volcanique, est parfois orné de têtes de mort.
Dans le sanctuaire principal, se trouve la statue géante de Shiva à quatre bras, sous sa manifestation de Mahadeva. Dans la chambre
sud, se tient Agastya, en tant que Shiva Maître divin et suprême guru; dans la chambre ouest, se trouve Ganesh, fils de Shiva; enfin, dans
la chambre nord, réside la statue de Durga Maheshasuramardini
A ce propos, on constate, sur les Ganesh de Java (parfois aussi en Thailande), la présence fréquente de têtes de mort groupées autour de la base du socle de la statue, voire en collier autour du cou. Or Ganesh est proche de son père Shiva qui, sous sa forme terrible bien connue de Bhairava, porte souvent une semblable guirlande de crânes humains. Une bonne illustration s'en trouve sur le Ganesh de Bara (voir plus loin).
A Chandi Sukuh (Java central), un bas-relief du 15 ème siècle montre trois personnages : Bhîma sous la forme d'un forgeron, au centre un Ganesh tantrique dansant, à droite un homme actionnant le soufflet de la forge (Brown, 1992).
Quelques autres localités peuvent être citées pour les Ganesh de type indonésien que l'on peut y voir :
Le complexe du temple de Ratu Boko, à km quelques seulement des temples de
Prambanan, abrite une statue inachevée de Ganesh du 9ème siècle
Le temple de Penataran (10 km au nord de Blitar, Est Java) héberge, dans
son sanctuaire, une statue de Ganesh. Une inscription d'époque, sur le linteau de la porte ouest, indique la date de 1197
Au village de Torongrejo, Mont Wuki, Malang (Est Java), une excavation
de recherches archéologiques a trouvé une statue de Ganesh datée du Royaume Singasari (13ème siècle)
On trouve, sur la face Est du temple de Sambisari (9ème siècle),
près de Jogyakarta, une statue de Ganesh
Le complexe de temple de Gedongsongo, village Candi, Mont Ungaran, Semarang
(Java central), comporte neuf petits sanctuaires; un relief de Ganesh du 8ème siècle peut s'y voir
Le Sangiran Museum, à Sragen (Java central), possède une belle
collection de fossiles. Une statue de Ganesh fait ausi partie de l'exposition
Construit au 8ème siècle, le Candi Selogriyo, à 30 km du
site bouddhique mondialement connu de Borobudur, est un petit sanctuaire hindou. Son intérêt principal est d'avoir encore toutes ses
statues dans ses niches : les deux gardiens de part et d'autre de la porte, Durga Mahisasuramardini sur la face gauche du temple, Ganesha à
l'arrière (bien abîmé), et Agastya sur le côté droit du sanctuaire. Par contre, le lingam de la cella a disparu
Le Ujung Kulon National Park est le plus ancien parc national du pays; il
couvre 80000 ha sur une péninsule au sud ouest de l'île et comporte aussi les îles de Pulau Peucang, Pulau Panaitan et l'archipel
du Krakatoa. Une très ancienne statue de Ganesh, datée du 1er siècle, a été découverte à
Pulau Panaitan, au sommet du mont Raksa
Le temple de Gebang (datant de 730 - 800), à Jogyakarta, est aussi
bouddhiste qu'hindou. C'est la découverte d'un Ganesh en 1936 par des habitants du coin qui permit aux Services d'Archéologie
d'exhumer le temple
Un grand Ganesh ventru a été trouvé à Singhasari (est de Java), datant des environs de 1300. Il est maintenant au Musée National de Bangkok (Thailande). Il est très impressionnant, environné de têtes de mort.
Une autre innovation javanaise dans l'iconographie de Ganesh est l'ajout d'un kîrtimukha (visage de gloire) ou kâlamukha (visage du Temps). Le Ganesh haut de quelque 3 mètres du temple de Bara (village de Tuliskaiyo village, Regency de Blitar, est de Java), d'époque Singhasari et daté de 1239, en est ainsi pourvu, à l'arrière de la tête. Le dieu porte ses attributs habituels; les crânes sont placés seulement sur le piédestal. Bien que Ganesh soit la divinité qui protège des obstacles, il est lui-même, dans ce cas, protégé sur l'arrière par un grand Kâla contre les influences néfastes.
Le kâlamukha est placé au-dessus des seuils de temples et fenêtres dans tout Java, afin de maintenir à l'extérieur du temple celui qui est indigne mais de laisser entrer celui qui y est préparé. Autrement dit, le kâla est un gardien du seuil, un créateur-destructeur d'obstacles, tout comme Ganesh : leur juxtaposition, leur amalgame, apparaît ainsi parfaitement idoine sur un plan conceptuel.
Une autre statue, trouvée à Chandi Singhasari, reproduit cette association, le dieu étant assis sur un trône en maharâjâlilasana. Une statue debout, encore, a été trouvée à Karang Kates. Ganesh se tient debout en samabhanga sur un socle constitué de têtes de mort. Il est muni de deux bras et porte une haute et belle coiffure.
Quelques photos des formes de Ganesh trouvées à Java ont été collectées sur le Web, car c'est un pays que nous n'avons pas visité; elles sont présentées sur cette page.
Sumatra |
![]() |
A Palembang, le Musée Sultan Badaruddin II (dans une maison hollandaise de 1863) expose une statue de Ganesh de 2 mètres de haut; elle daterait de l'époque du Royaume Srivijaya (7-13ème siècle).
Bornéo |
![]() |
Le point le plus oriental vers lequel navigua Ganesh semble avoir été Bornéo où des inscriptions du 5 ème
siècle, voire plus anciennes, sur le site de Kotei, rapportent des rites Hindous accomplis par des brâhmanes
.
De plus, sur le site de Genung Kombeng, daté du 8ème siècle, se trouvent des effigies de pierre brahmaniques et bouddhistes. Un grand Shiva à quatre bras y est représenté. Y sont associées Durgâ et un Ganesh à quatre bras portant des attributs habituels (hache et mâlâ).
Bali |
|
![]() |
L'île de Bali fait figure d'exception au sein de l'Indonésie, premier pays musulman du monde. En effet, les quelque 3 millions de Balinais sont hindous à 95 %. Hormis l'Inde, Bali et le Népal sont les deux seules régions du monde où la religion dominante est l'hindouisme. Celui-ci est arrivé par la voie des mers comme à Java (où il ne s'est pas maintenu) à l'occasion des multiples échanges commerciaux avec l'Inde. L'hindouisme s'est donc naturellement implanté dans le contexte culturel préexistant de croyances animistes. Le résultat, qui a également intégré des éléments du bouddhisme Mahayana, est tout à fait singulier et sans équivalent. Les Dieux et les esprits bénéfiques y sont en constante lutte avec les Démons, Esprits négatifs, forces du mal. Les Démons ne peuvent jamais être détruits. Ils sont tout au plus satisfaits et apaisés par les offrandes et les sacrifices. Les croyances Balinaises ne se résument à un simple dualisme Bien-Mal. C'est ainsi que le Barong, Créature mythique personnifiant le Bien, est mis en scène dans les légendes chorégraphiées à l'occasion des fêtes de temples (et simplifiées à l'usage des touristes). Il y combat Rangda, une terrifiante sorcière qui personnifie le mal. Bien sûr, le Barong met Rangda en déroute mais l'on sait bien que c'est temporaire. Le but du Barong est de rétablir l'équilibre entre le Bien et le Mal, le but de Rangda est de le détruire.
Les trois divinités principales de l'hindouisme, Brahmâ
, Vishnu
, Shiva
, sont présentes dans les temples
mais d'une part l'iconographie est peu développée, d'autre part il n'existe pas de sanctuaire central où
la mûrti (image du dieu ou de la déesse) principale soit révérée.
Il existe des dizaines de milliers de temples à Bali. Chaque village en comporte au minimum trois : le Pura (Pura signifie temple) Puseh dédié aux ancêtres du village, le Pura Desa dédié aux divinités protectrices de la communauté et le Pura Dalem ou temple de la Mort, par définition dédié à Shiva.
Dans tous ces temples, on trouve une sorte de trône de pierre surélevé, le padmasana (le sens de
ce mot, ici, n'est pas le même qu'en Inde) d'introduction relativement tardive, dédié à la
Divinité Suprême. On dit parfois qu'il
s'agit de Sûrya , dans d'autres cas de Sanghyang Widi. En réalité, ce
dernier nom, qui signifie le Dieu Suprême et Inconnaissable, est une invention des missionaires chrétiens au
début du 20ème siècle, lorsqu'ils voulurent traduire la Bible pour en diffuser les enseignements parmi
ces paiens de Balinais. Ceux-ci ont adopté le terme mais n'en sont pas moins restés hindous. Une preuve de
plus, s'il en était besoin, de la faculté d'assimilation de cette religion. On précisera que le padmasana
est le plus souvent vide, à l'exception des offrandes qui y sont déposées. Dans quelques cas, une
statuette dorée y est installée : elle représenterait Synthia mais, malgré mes recherches, je n'ai
pu obtenir de certitudes que Syntia serait une représentation de l'inreprésentable Sanghyang Widhi.
Ce très court et incomplet panorama de l'hindouisme balinais permet peut-être de mieux saisir que la place occupée dans la religion par Ganesh n'est pas la même qu'en Inde.
Les balinais considèrent Ganesh sous deux aspects principaux :
Accessoirement, et selon ce que plusieurs personnes nous ont dit sur place, Ganesh est considéré comme
la divinité qui protège l'enseignement. Nous aurions plutôt tendance à penser que cette fonction,
ici comme en Inde, est affectée à la Déesse Sarasvatî
, présente, d'ailleurs, un peu partout.
Ganesh est un Dvârapâla
, un gardien de l'entrée des temples, comme on le voit, par exemple,
au Pura Uluwatu. Cette fonction de gardien est d'ordinaire tenue par d'autres Créatures d'aspect assez
rébarbatif, ce qui est bien normal puisque leur rôle est d'empêcher les Démons d'entrer dans
l'espace sacré. Cela explique peut-être que nombre de Ganesh à Bali, ont une allure peu aimable.
Une mode s'est répandue de placer une statue de Ganesh aussitôt après le portail des résidences privées. Ce Ganesh, que nous aurions tendance à considérer comme un Ganesh d'accueil, est souvent adossé au petit muret qui suit habituellement le portail. Selon les croyances balinaises, ce muret a pour objet d'empêcher les démons d'entrer car il constitue un obstacle et les Démons, c'est bien connu, ne se déplacent qu'en ligne droite. On peut donc penser que Ganesh renforce l'aspect dissuasif et décourage les Démons d'entrer plus avant.
La présence de Ganesh dans les temples est loin d'être systématique. Elle est même relativement rare. A l'exception très connue de la grotte de Goa Gajah où se trouve un Ganesh du 11ème siècle, et des rochers gravés, vers le 14ème siècle, dont un Ganesh, à Yehpulu, non loin de là, on ne peut, en aucun cas, conjoncturer de l'ancienneté des statues rencontrées ici ou là.
Certains temples sont très récents, comme le temple de Sarasvatî, à Ubud, édifié dans les années 1950, d'autres sont très anciens, mais le climat tropical humide, les éruptions volcaniques et tremblements de terre, les ont à plusieurs reprises détériorés au cours des siècles et les réfections y sont permanentes dès que les fonds collectés le permettent. Des éléments tout neufs côtoient des éléments anciens. Mais avec l'humidité, en quelques années, les pierres grises de basalte volcanique ont l'air séculaire.
Dans la littérature spécialisée, on trouve cités deux localités où se trouveraient des Ganesh, mais nous ne les avons pas vus :
- A Djembaran (sud Bali) Ganesh assis sur un trône entouré de flammes.
- Ganesh du 8 ème siècle avec les jambes croisées comme en Inde trouvé à Davock Tocket.
L'artisanat de la pierre est très développé à Batubalan pour les besoins du marché local, vu le poids et les dimensions des pièces exécutées. Les artisans utilisent de préférence du basalte, mais également une pierre blanc crème (grès ?). Les styles sont classiques et varient peu. On note l'introduction de Ganesh de style javanais, assis avec les plantes des pieds jointes; quelquefois, une tête de Garuda est sculptée à l'arrière de la tête de Ganesh. On a pu voir également un exemplaire de Ganesh ithyphallique (urdhvareta).
Les Ganesh en bois, dans les villages autour d'Ubud, permettent à l'artisan une plus grande liberté dans l'expression des formes. Globalement, on distingue deux styles : 1. Des Ganesh aux détails extrêmement travaillés, utilisant soit un bois blanc tendre ("crocodile wood" = Zanthoxylum rhetsa), soit le précieux bois de santal que l'on fait venir de Kalimantan et Sulawesi, soit encore le suar (voir plus loin) qui, bien que plus dur, n'est pas encore trop difficile à travailler; 2. Des Ganesh aux formes plus rondes, utilisant le "suar", ou bien un bel ébène venu d'autres îles. Le bois le plus utilisé est le suar car sa teinte, une fois qu'il a été traité au cirage ou au vernis, est d'un beau brun, de nuance plus ou moins rouge. Beaucoup de vendeurs affirment que le suar est de l'acajou (mahogany = Swietenia mahagoni), qui pousse à Java. En fait, l'acajou est un bois coûteux et le suar (parfois appelé rain tree wood) est un autre bois, le Pithecellobium saman.
Le village de Tampaksiring, non loin d'Ubud, est spécialisé dans la sculpture de petits objets finement travaillés, en os de bovidés. De coûteux exemplaires en défense de mammouth, un matériau rare légalement importé de Russie, peuvent également être trouvés.
Un artisanat fragile est celui de la peinture sur oeuf. L'oeuf est, bien entendu, préalablement vidé par un petit trou à sa base.
Ubud et les villages environnants sont réputés pour leurs écoles de peinture. A côté du mythique Barong, quelques divinités comme Ganesh, Sarasvatî, Devi Shri (déesse du riz), sont représentés dans des styles qui n'ont rien d'indien.
Les magasins regorgent de statues en bronze avec des patines (actuelles) vert sombre. Elles sont produites à Java.
Parmi les personnages du Wayang Kulit (théatre d'ombres), issus des légendes du Mahabharata et du Ramayana, on trouve la marionnette de Ganesh. Les marionnettes sont faites en peau de buffle femelle.
Mise en page © 2008 Elephorm et Alsacréations, modifié en 2009 par Ganapati